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L'humeur de Vandromme
Pol Vandromme   L'Humeur des lettres - Chroniques et pastiches
Editions du Rocher 2005 /  19.90 € - 130.35 ffr. / 324 pages
ISBN : 2-268-05072-6
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Qu’ont-il donc en commun pour figurer sur la couverture de cet ouvrage, les Aragon, Malraux, Colette, Céline, Bernanos et Sarraute ? A quelle galerie hétéroclite de tempéraments, de tons, de styles, avons-nous affaire-là ? Eh bien, à tous ceux dont, par le seul talent de sa plume, Pol Vandromme a salué ou égratigné la mémoire. Quand il ne s’agit pas tout simplement de déboulonner un buste creux… Depuis près d’un demi siècle, Pol Vandromme nous offre le privilège de partager sa plus grande passion : la littérature. Son encre est une humeur, au sens premier du terme. Un liquide réactif qui noircit ou illumine celui qu’il touche. Qui éclabousse ou rafraîchit, désaltère ou empoisonne, c’est selon.

D’emblée, la cause est entendue : «Je n’ai pas de théorie de la littérature. Les doctes en ont eu à ma place, ils continuent d’en avoir.» Vandromme se démarque donc de la critique universitaire, aussi bien celle de la tradition la plus rationaliste et la plus stérile que celle qui prétend s’ouvrir au fantasme, au délire de l’interprétation, à la dissection psychanalytique et donc le plus souvent, à la fumisterie. Sans complaisance mercantile ni souci des modes, son approche est personnelle et individuelle ; elle laisse toujours la part belle au mystère et au secret, ces recoins de la création où se niche la vie ; dans la férocité comme dans les éloges, elle a la grandeur de la gratuité. Elle ne tient compte que de l’authenticité de la voix de l’auteur, sans souci des idéologies auxquelles il adhère ardemment ou accidentellement, ni de la part anecdotique ou la plus intime, forcément insaisissable, de sa biographie.

Vandromme ne se mesure qu’aux mots des écrivains qu’il aborde, il n’accorde de confiance qu’à ce qui se dit, et encore plus à la façon de le dire. Son œil écoute. Au crible de son jugement, certains mal calibrés sont d’emblée recalés. On s’en doutait un peu : les farfelus mirobolants passeront mal. Ainsi de Duras («dont le prénom s’effeuilla dans les pâmoisons des gogo-boys») ou Malraux («un cinoche de théâtreux qui ambitionne de tutoyer la postérité en vouvoyant la culture de sa maison de papier»)… Raymond Aron est quant à lui définitivement qualifié de «robinet d’eau tiède». Les assauts sont rudes, imparables : mais quel honneur de se faire débouter avec tant de panache !

Vandromme n’exerce cependant pas ici son escrime dans le seul souci d’envoyer ad patres ceux qu’il aborde en mousquetaire. Combien de classiques ne réhabilite-t-il pas à notre usage de modernes blasés, en dépoussiérant Voltaire, Fénelon ou Saint-Simon… Et un relégué tel que Duhamel est sorti de l’ombre de son placard académique, à l’occasion de la découverte de ses féroces carnets secrets.

Plus surprenante encore : la présence laurée de ceux que l’on n’attendait pas dans le panthéon d’un compagnon de route des Hussards. «Ne m’importunez pas avec son stalinisme. Qu’on n’exige pas de moi que je fasse payer à l’écrivain les canailleries de l’homme (…) Je ne distribue ni des brevets de bonne conduite, ni des certificats de civisme. Je m’occupe ici, de littérature, art étranger aux jugements moraux. Qu’importe l’horrible personnage ; ne compte que le grand écrivain.» Dans ce passage qui concerne Aragon, on retrouve en fait l’éthos critique que Vandromme appliquera point par point à tous les antipodaires jalonnant son parcours, de Vailland à Céline, de Mirbeau à Chardonne…

Enfin, si les emportements de Vandromme sont dépourvus de mesquinerie, ses enthousiasmes sont quant à eux sans réserve. Il est notoire qu’on reconnaît la grandeur d’un polémiste à la puissance de sa conviction dans l’admiration et l’exhaussement : Bloy fut aussi impitoyable envers Zola que génialement louangeur à propos de Lautréamont… Quand Pol aime, il en va de même : c’est sans retenue… On découvre que la peau du hérisson était doublée d’un duvet délicat et précieux : une toison d’or à décerner à tous les Argonautes des lettres. Quelques lignes, choisies parmi tant d’autres, en témoignent : «Bernanos ressemblait à l’enfant du conte qui sifflait dans la nuit pour exorciser les ténèbres – errant dans un monde qui organisait sa sédentarité en bassesse confortable, humilié jusqu’au tréfonds de sa noblesse. Le risque de se perdre était sa chance de salut ; sa peur de fléchir et de se rendre, son courage de vaincre. Toutes sortes de stigmates le marquaient ; mais de ce qui aurait pu être un sang noir, sa prose abondante et lumineuse faisait une coulée de feu.»

Le recueil que publient les Éditions du Rocher atteste donc bien d’une singulière présence, d’une approche inégalable de la Littérature et de ses hommes liges. Ce livre est donc bien plus qu’une suite de portraits. C’est, professée sans ton doctoral ni prétention pédagogique, une leçon de lecture, d’intelligence, de franchise. Donc de liberté grande.


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 28/03/2005 )
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