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Homo Litteratus
Guy Hocquenghem   Un journal de rêve
Verticales 2017 /  22 € - 144.1 ffr. / 320 pages
ISBN : 978-2-07-270911-1
FORMAT : 14,2 cm × 20,5 cm

Antoine Idier (Postfacier)
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Guy Hocquenghem (1946-1988) fait partie de ces jeunes écrivains météorites, morts du SIDA, dont on ne parle guère aujourd’hui. Cette anthologie d’articles parus dans Libération (pour la plupart) mais aussi dans Gai Pied Hebdo, Le Figaro Magazine ou L’Idiot Liberté, rend compte de la pensée à la fois militante et traditionnelle de cet écrivain sorti d’Henri IV puis de la Rue d’Ulm à la fin des années 60. Essayiste et romancier, il est aussi l’auteur du Désir homosexuel (1972), de L'Amour en relief (1981) ou encore Ève (1987). Il fut l’un des premiers écrivains à révéler son homosexualité publiquement et à en parler librement dans les médias, souvent de manière crue (au début des années 70).

De 1970 à 1987, les thèmes traités par Hocquenghem dans ses tribunes sont larges bien que centrés sur l'époque. Outre la «culture gay» et son évolution au fil des ans, il explore le destin des universités parisiennes, il critique certains films qui sortent sur les écrans (Caligula, Cruising, Absence of Malice, Veronika Voss), il analyse des émissions traitant de faits de société (la violence contre les femmes), il parle peinture (Pollock) et littérature (Sartre) ; enfin, il aborde quelques faits marquants de l’actualité (la mort de Pasolini, l’arrivée du SIDA, la naissance de SOS Racisme, etc.). Ce sont avant tout ses nombreux reportages dans le microcosme homosexuel (en France, aux Etats-Unis avec les premières églises pour «gays») que l'on retient, et qui apportent un éclaircissement supplémentaire sur cette communauté.

Hocquenghem plait d’emblée par sa position d’intellectuel à la fois révolutionnaire et lucide sur son époque. Il prend position assez nettement pour une homosexualité assumée mais marginale. A la mort de Pasolini (et la façon dont le cinéaste est assassiné), il se félicite de cette mort tragique qui détermine, selon lui, ce que doit être l’existence du «pédé» (le terme est très souvent utilisé par l’écrivain dans ses chroniques). Proche de l’esprit de Genet, de celui de Pasolini donc, le «pédé» ne doit pas se confondre au système bourgeois hétérosexuel même s’il doit se battre pour ses droits et sa liberté sexuelle. Que penserait Guy Hocquenghem s’il vivait encore de nos jours  ?...

D’ailleurs, il est très intéressant d’observer que la rupture avec Libération intervient en 1982 et que Hocquenghem avait très bien anticipé les effets de la nouvelle époque. Avec la génération Mitterrand (qui a pourtant fait avancer des droits bafoués jusqu’ici aux minorités), Libération s’accommode du pouvoir en place et renonce clairement à la révolution au profit d’une gauche bien-pensante et libérale. Le tournant est clair et Hocquenghem rejoint des journaux plus singuliers pour continuer d’exprimer sa vision de la société. Le cas se renouvellera quand SOS Racisme sera créé et lorsque le SIDA commencera à inquiéter la population homosexuelle. Hocquenghem écrira ses chroniques avec distance et méfiance quant à la doxa homosexuelle qui commence à s’imposer dans les mœurs, non sans être visionnaire sur le devenir de cette communauté, notamment dans le domaine sociétal.

Sa position, radicale peut-être, n’en est pas moins littéraire et subtile : il écrit dans Masques en 1985 : «Où en est l’homosexualité ? Ah, ces homosexuels ! Quand vous étiez endormis, Arcadie, léchant les bottes de flics qui vous bottaient le cul, je vous trouvais peureux, effrayés de votre propre ombre, affolés d’un rien ; quand vous êtes devenus militants, je vous ai trouvés arrogants, bornés, staliniens dans votre genre ; maintenant que vous vous prenez pour des artistes, vous qui prétendez avoir franchi la limite d’un territoire dont vous n’avez même pas passé le seuil, désabusés et prosaïques amateurs d’une sentimentalité de consommation, pourquoi voudriez-vous que je ne vous trouve pas dérisoires, vieillis par la crainte de vieillir, stéréotypés par votre précieux petit moi sur mesure, tous semblables dans votre individualisme ? Et si on s’étonne que, dans le même texte, à quelques lignes d’intervalles à la fois je m’affirme homosexuel, et m’en abstraie, me mettant hors du nombre, je répondrai que c’est bien le moins, de ne pas se satisfaire de n’être que soi».

Cette anthologie d’articles de journaux est une très bonne publication qui nous plonge dans l’atmosphère culturelle et sociale des années 70-80, temps précurseur de ce que nous vivons de plein fouet actuellement. A cette époque, Guy Hocquenghem pouvait encore écrire «Pédé» ou «Arabe» sans être taxé d’homophobie ou de racisme. Aujourd’hui, Hocquenghem, lui-même militant pour la cause homosexuelle et ayant écrit un livre sur la beauté des Arabes, serait taxé de méchant fasciste intolérant ! Reste un intellectuel surdoué, dont l’œuvre est à découvrir pour la plupart de nos lecteurs d’aujourd’hui.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 13/03/2017 )
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