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Un manifeste pour le voyage | | | Franck Michel L'autre sens du voyage - Manifeste pour un nouveau départ Homnisphères - Expression directe 2003 / 7 € - 45.85 ffr. / 120 pages ISBN : 2-915129-03-7 FORMAT : 11x15 cm
L'auteur du compte-rendu: maître de conférences en Histoire contemporaine à l'université de Paris-I, Sylvain Venayre a récemment publié La Gloire de l'aventure. Genèse d'une mystique moderne.
1850-1940 (Aubier, 2002). Imprimer
Le voyage est depuis longtemps lobjet de lattention des anthropologues, dont la profession a traditionnellement partie liée avec le déplacement et la rencontre de lautre. Sur ce thème, des anthropologues ont déjà produit nombre douvrages tout à la fois originaux et sérieux on peut penser aux savoureux récits autobiographiques de Nigel Barney ou aux fines études de Jean-Didier Urbain.
Anthropologue à lUniversité de Strasbourg, fondateur dun centre détudes anthropologiques du voyage, Franck Michel sinscrit dans cette tradition. En 2002, il a publié Désirs dailleurs, dont la filiation avec les travaux de Jean-Didier Urbain était dautant plus nette que ce dernier avait accepté de préfacer louvrage de Franck Michel. On était on est encore en droit dattendre avec intérêt les publications sur le voyage dun chercheur aussi informé.
On sera déçu, en revanche, par son dernier livre, paru aux éditions Homnisphères. Certes, la maison dédition annonce la couleur : il sagit de rassembler des «essais militants, indisciplinés, pluridisciplinaires, contestataires, basés sur une déconstruction de létat des savoirs et sur une réévaluation des pratiques et des rapports à lautre». A ce titre, le petit livre de Franck Michel (le texte principal fait 63 courtes pages) peut légitimement revendiquer son statut de «manifeste» dénonciateur et libertaire, rédigé souvent à la première personne du singulier. Nigel Barney, parmi dautres, a brillamment montré la voie. Le principe même est plaisant et lon peut seulement regretter, à cet égard, quil ne soit pas appliqué jusquau bout : pourquoi avoir adjoint à ce texte qui se veut original un article universitaire de facture classique (notes de bas de page comprises), déjà publié, certes en espagnol, dans la Revista dEtnologia de Catalunya ? Du coup, le message est un peu brouillé.
Lessentiel toutefois nest pas là, mais dans le sentiment de déjà-lu que laisse la lecture du «manifeste» de Franck Michel. La définition du voyage comme acte libertaire, déclaration dindépendance dans une société dindividus «conditionnés et lobotomisés» nest vraiment pas neuve, même peinte aux couleurs contemporaines de la contestation («le voyage nest pas une marchandise», lit-on notamment). Habiller le voyageur en révolté est un geste qui a déjà une histoire longue songeons aux légendes de Rimbaud ou dIsabelle Eberhardt et problématique : les catégories de laventure et de la révolution peuvent en effet sopposer, comme André Malraux le démontrait déjà à la fin des années 1920 dans Les Conquérants. A les reprendre sans trop les discuter, Franck Michel témoigne dabord de sa conception du voyage en tant quindividu engagé (cest un des heureux principes de la collection dans laquelle il est publié), mais pas en tant quanthropologue connaisseur du voyage (or, si les éditions Homnisphères entendent publier des chercheurs, cest bien pour que ceux-ci mettent leurs connaissances au service de leurs idées et échappent ainsi aux lieux communs).
De fait, on voit mal en quoi lauteur est ici le «contrebandier didées non conformistes» quil entend être. La dénonciation de la «société du divertissement» date des années 1960, celle du «consumérisme touristique» des années 1830, celle de léducation par le collège de lépoque romantique, celle de la guerre na pas dâge
Les réitérer en les actualisant ne signifie pas quelles soient absurdes, au contraire ; encore faut-il quelles ne correspondent pas à un strict retour du Même.
Sylvain Venayre ( Mis en ligne le 28/11/2003 ) Imprimer | | |
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