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Il y a gauche et gauche
Jean-Claude Michéa   Jacques Julliard   La Gauche et le peuple
Flammarion 2014 /  19,90 € - 130.35 ffr. / 317 pages
ISBN : 978-2-08-131313-2
FORMAT : 13,5 cm × 22,0 cm
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Cet essai prend la forme épistolaire, échange de – longues - lettres entre Jacques Julliard et Jean-Claude Michéa, sur une année ; les deux hommes dialoguent sur leurs points d’accord et de désaccord au sujet de la «gauche».

Jacques Julliard, historien, ancien directeur délégué de la rédaction du Nouvel Obs, éditorialiste à Marianne, auteur des Gauches françaises, est sur une thèse continuiste tandis que Jean-Claude Michéa, philosophe, auteur du Complexe d’Orphée et de L’Empire du moindre mal, en prend le contrepied. Le premier pense que l’alliance du peuple et de la gauche bourgeoise a connu son apogée au XIXe siècle alors que le second pense qu’il n’y a pas eu cet accord et qu’il ne s’est soudé qu’avec l’affaire Dreyfus. Ils sont d’accord en revanche sur le fait que la gauche a trahi le peuple.

Les différences entre les deux intellectuels sont nombreuses. Jacques Julliard nous parle d’histoire politique et Jean-Claude Michéa de théorie politique. La première divergence concerne l’autonomie ouvrière. Michéa pense que le socialisme originel ne se mêlait pas à la politique bourgeoise (il cite Gustave le Français, premier président élu de la commune de Paris) et se méfiait de cette politique bourgeoise. Julliard pense que le pacte républicain scellé à l’affaire Dreyfus a fait rentrer la gauche dans une nouvelle ère. La seconde divergence est au sujet du populisme. Michéa pense que le populisme traduit une exaspération des classes populaires sommées de s'adapter à la mondialisation alors que Julliard souligne que le populisme est dangereux car il prétend se substituer au peuple. Autre divergence, l'idée de progrès, une idéologie bourgeoise de la croissance indéfinie pour Michéa ; pour Julliard, la voie que l’humanité a trouvé pour subsister. Au fond, l'enjeu qui ressort de cet échange détonnant se concentre sur le rapport entre la gauche et le libéralisme.

Jean-Claude Michéa paraît à la lecture bien plus solide dans son argumentation, parsemant ses analyses de références pointues, qui ''plombent'' parfois son propos, agrémenté de nombreuses parenthèses précisant sa pensée. Mais il est difficile de le prendre en défaut ; creusant son sillon, il trouve des formulations précises et saisissante alors que Julliard est plus vague et convenu.

Jean-Claude Michéa revient sur sa thèse principale, c’est-à-dire sa critique du libéralisme qui a toujours été lié au progrès - aux forces dirigeantes disait Marx - et qui ne peut, à chaque fois, que se déterritorialiser (jusque dans la sphère intime) pour aboutir à l’économie mondialisée d’aujourd’hui. Il fustige donc cet abandon (en accord avec Julliard sur ce point) de la classe populaire au profit de cette élite apatride, multiculturelle, prise d’un «bougisme» idéologique permanent. Il revendique une sorte de «socialisme conservateur», opposant le socle de la société libérale basée sur l'atomisation et l'égoïsme (les "Robinsonnades", mot de Marx) à celle du socialisme réel qui considère que l'homme est d'abord un être social. L’accusation de Michéa, facilement pointé du doigt pour ses d’idées réactionnaires, tombe d’elle-même quand on examine sa vision globale.

Son analyse est fort judicieuse car non seulement elle fustige la gauche libérale, antiraciste, sociétale (pudique sur l’abandon de la justice sociale et de la classe populaire en 1983), propice à la mondialisation (sans oublier la droite libérale), mais elle dénonce aussi le retour d’une droite antilibérale (Zemmour, Le Pen, Finkielkraut, Levy, etc.) qui, recyclant certaines critiques «populistes» de Michéa lui-même (voire établissant un parallèle tronqué entre le discours anti-immigrationniste de George Marchais en 1981 à Montigny-lès-Cormeilles et celui du Front National) veut le retour à un capitalisme d’antan (un nationalisme libéral façon De Gaulle), le faisant rétrograder à un stade antérieur sans lui retirer sa base libérale (à l’inverse de Georges Marchais). Ce dernier savait fort bien, en bon communiste, que les immigrés étaient tout autant exploités que les français de «souche» sans accepter pour autant l’immigration sans contrôle pour défendre les travailleurs nationaux. Ce qui évite de prendre les immigrés comme bouc émissaire. Immigration favorisée, rappelons-le, par les patrons et le libéralisme de l’époque (favorisant un dumping social) et poursuivie par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, favorables à la mondialisation. C’est en constatant l'adhésion de la classe populaire au Front National, quittant le PCF et la "gauche", que cette droite antilibérale a effectué une OPA sur le «peuple» hostile à la mondialisation, polarisant sa colère contre les immigrés que ce même libéralisme avait installés...

L’analyse de Michéa est fort utile car on peut se demander, à juste titre, si cette droite antilibérale n’est pas là pour éviter le retour à un parti réellement socialiste, du moins réellement critique concernant la société libérale, déviant l’électorat populaire vers un front hostile à la mondialisation, une sorte de voie de garage, permettant à cette même mondialisation de se poursuivre...


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 28/04/2015 )
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