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Théorie sans pratique n’est que ruine de l’âme… | | | Gaston Mialaret Propos impertinents sur l'éducation actuelle PUF 2003 / 20 € - 131 ffr. / 274 pages ISBN : 2-13-053902-5 FORMAT : 14x22 cm
L'auteur du compte-rendu : après des études en mathématiques pures, Stéfan Philippot enseigne actuellement dans un collège classé ZEP. Cest un établissement dans lequel un plan contre la violence a été mis en place ; il sagit en outre dun poste à exigence particulière de type PEP IV. Imprimer
Gaston Mialaret propose une réflexion sur de nombreux thèmes liés à léducation et aux pratiques pédagogiques, sous la forme de textes très courts ou de quelques pages. Dans de nombreux cas, il met en scène plusieurs personnages tels un conseiller pédagogique et ses stagiaires de lIUFM, dautres professeurs, des parents délèves et de nombreux professionnels liés à la communauté scolaire. Ces saynètes constituent lun des rares points forts du livre car en choisissant le dialogue entre des personnages plutôt quun exposé théorique des notions abordées, il en rend la lecture fort agréable.
Malheureusement, les développements quil fait sont critiquables. En effet ces personnages sont dabord très caricaturaux. Citons pour preuve le discours quil fait tenir à un parent, PDG dentreprise, qui pense que les élèves de milieux socioprofessionnels élevés sont plus intelligents : «En vous préoccupant des élèves qui sont les plus lents, vous perdez du temps qui serait mieux utilisé à vous occuper des plus brillants». Le parent délève ouvrier et syndicaliste qui veut toujours sinstruire pour aider ses camarades du syndicat lui répond : «Le collège ne doit pas être un lieu de déchec ; il faut que tous nos enfants sinitient au savoir
» Ce nest pas tant le discours qui est caricatural que les personnages qui le tiennent. Quel besoin de préciser, dans une approche classiste simpliste et éculée, les appartenances socioprofessionnelles de ces personnages ?
Lauteur continue cette approche manichéenne avec lévocation dun père délève possédant une "grosse voiture américaine" : «La même éducation doit être imposée à chacun de nos enfants ; tant mieux pour ceux qui suivront». Si des parents délèves peuvent tenir un tel discours, lauteur ne sort-il pas du cadre des propos sur léducation lorsquil précise que ce parent délève conduit une grosse voiture américaine ? Que veut-il dire ? Pourquoi faire dériver le débat sur le terrain schématique dune lutte des classes que maints contre-exemples infirmeraient ? Ajoutons quil fait maladroitement citer ses ouvrages par les personnages quil met en scène. Manque dhumilité ou publicité peu discrète ?
Si cet essai sadresse à des enseignants, ce qui semble peu probable, d'aucuns pourront se sentir agressés par certains propos en effet impertinents. Dautres souriront peut-être devant la naïveté du discours. Larticle intitulé «la pédagogie du succès» commence ainsi : «Lidée fondamentale de la pédagogie du succès réside dans le fait que lenseignant doit tout mettre en uvre pour aider le sujet, étant donné ses possibilités actuelles et futures, à réussir et aller le plus loin possible dans ses acquisitions, ses progrès.» Est-ce à dire que certains enseignants mettent en place une pédagogie de léchec ?! Ce que décrit lauteur est tout simplement la mission première de tout professeur.
Gaston Mialaret devient plus agressif lorsquil écrit : «au lieu dattribuer à lélève toutes les causes de ses difficultés et de ses échecs, lenseignant se demandera quelles ont été les maladresses et les erreurs quil a pu commettre». Il faut réaliser que la plupart des enseignants remettent en cause fréquemment leurs pratiques pédagogiques ; à cause de ce type de discours, lauteur rend, de manière simplificatrice et caricaturale, les enseignants directement responsables des échecs de leurs élèves. Un effort de nuancement aurait permis d'évoquer les tares du système éducatif en général, la dureté de certains milieux sociaux et, pourquoi pas, les apories de réflexions pédagogiques déconnectées du terrain
Peut-être aurait-il pu aussi éviter quelques élans pathétiques quand il nous explique quil faut aimer lélève : «Lélève doit sentir une profonde et réelle tendresse de la part de léducateur, tendresse à laquelle il répondra par un attachement sincère et profond.» Cette empathie nest pas toujours facile quand on enseigne par exemple en ZEP ou les agressions verbales sont monnaie courante ! «Il ne sagit pas de tout accepter, de bénir avec indulgence les excès les plus condamnables», ajoute-t-il heureusement !
Cest dailleurs sur les problèmes dautorité qu'il semble avoir le moins à dire, sauf lorsquil se fait le rapporteur des discussions actuelles sur la délinquance : «Au lieux dorganiser un système complexe de punitions, il vaudrait mieux remonter à la source et créer des conditions qui ne conduisent pas à la délinquance.» Qui nest pas daccord avec ce beau projet ? Lauteur ne nous explique hélas pas comment y arriver concrètement. Son ouvrage est pavé de bonnes intentions
Son grand tort est de ne pas tenir suffisamment compte de la réalité du terrain et de lexistence délèves difficiles, donnée sociale nouvelle qui nest plus un épiphénomène. Reconnaissons-lui néanmoins certaines réflexions plus mûries et utilisables en situation telles celles sur le travail en équipe ou les communautés dapprentissage. Lesquisse quil brosse du thème de «léducation nouvelle», sans être exhaustive, offre un point de départ intéressant pour des discussions ultérieures.
Stéfan Philippot ( Mis en ligne le 24/10/2003 ) Imprimer
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