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| Sarah Vajda Jean-Edern Hallier - L'impossible biographie Flammarion - Grandes biographies 2003 / 23.00 € - 150.65 ffr. / 468 pages ISBN : 2080680676 FORMAT : 16 x 24 cm Imprimer
On ne peut jamais exiger du biographe quil éprouve de la sympathie, de
ladmiration ou de lestime envers le personnage dont il choisit de
retracer lexistence. On attend du moins quil ait assez dhonnêteté
intellectuelle pour ne pas prendre son sujet comme prétexte à létalage
de ses propres états dâme. De lillusioniste Jean-Edern Hallier, Sarah
Vajda veut nous persuader quil reste aujourdhui bien peu à dire : cela
donne près de 460 pages laborieuses, bavardes, aux arcanes
difficilement déchiffrables à qui na pas eu linsigne honneur de naître sur
une banquette de la Brasserie Lipp.
Coups bas, insultes et allégations ordurières, grand jeu de la paranoïa,
poses étudiées, scandales opportuns et opinions opportunistes : le
parcours du mythographe est bien connu. «Et plus le mensonge est
gros
», comme le dit la sagesse populaire des salauds... Il faut plaindre
ceux que Jean-Edern le bouffon, le faussaire, le parjure, aura réussi à
duper et dont il aura abusé pour gonfler sa réputation. Il faut déplorer le
manque de discernement et la frivolité de ces lamproies, midinettes,
scribouillards ou apprentis trublions, qui, à le fréquenter, pensaient
connaître le frisson de la gloriole et nourrissaient lillusion de se réaliser
dans lorbe de ce grand homme quest censé être un Écrivain. Ils se sont
lamentablement trompés de gourou et didole, pire pour certains : ils se
sont trompés dami ou damour.
Car si Jean-Edern Hallier avait eu un quelconque poids sur les affaires
de son pays, sil avait été réellement dangereux, cela se serait su, et il
aurait payé. Mais lui qui poussa lart de la grivèlerie jusquau bout ne fut ni
le Voltaire ni le Chateaubriand quattendait une génération dont le dernier
rendez-vous littéraire furent les funérailles de Sartre. Bigleux pour bigleux,
et quoi quon retire de la tristounette philosophie existentialiste, on perdit
immanquablement au change. La pensée entra alors au Royaume de
Bouffonnerie par la grande porte, elle se mit à manger à tous les
râteliers, à coucher dans tous les lits, à tirer sur toutes les barbes et à
sniffer de toutes les poudres, pourvu quil sagît de combattre les hydres
immondes de la Censure et de lInterdit. Mais finalement, Jean-Edern
Hallier, cest sur la joue de Mitterrand la trace dune gifle qui ressemble à
la main de "Touche pas à mon pote" ; cest un dégonflement de tous les
instants (il suffit de repenser à son interview truquée par Desproges pour
cerner le personnage) ; cest beaucoup de vent comme on aime en avoir
à Paris, à la terrasse de ce grand café quest le monde.
Alors, que Sarah Vajda vienne piquer une colère avec cinq ans de retard
parce que Jean-Edern a plagié les Protocoles des Sages de Sion ;
quelle se livre à un véritable règlement de compte posthume avec un
cadavre déjà bien putréfié et auquel rendent seulement encore hommage
quelques compulsifs enfants de la télé ; quelle lui adresse dici-bas des
lettres qui retracent lhistoire du peuple élu et martyrisé, eh bien cela
fatigue. Le sous-titre nous avertissait que nous abordions «Limpossible
biographie» ; impossible à rédiger ou à lire, là est la question. Le
brouillage est permanent, les notes éclosent sans toujours éclairer le
propos ou alors pour ne laisser libre cours quà lappréciation fort peu
enrichissante de lauteur. Enfin, technique journalistique horripilante et de
plus en plus prisée apparemment par les historiens de léphémère : le
suspense entretenu par la dissimulation de lidentité des personnages
évoqués, et qui narrive quaprès un portrait ou la relation dune anecdote
absconse.
Le cas Hallier aurait pu être évacué en 100 pages. Il aurait simplement
fallu le laisser sagiter au fil dune narration impassible et le laisser
sécrouler dépuisement, davoir pédalé dans la semoule du ridicule qui,
justice enfin rendue, le tua. Sarah Vajda a préféré sadresser aux initiés et
trouver un alibi pour étaler ses rancoeurs, ses angoisses, ses
indignations et ses questionnements identitaires les plus profonds.
Raté : Jean-Edern, le narrataire de sa prose inspirée, fidèle à son
habitude, ne payera pas la note.
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 22/09/2003 ) Imprimer | | |
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