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L'inconnu dans la maison
Simon-Pierre Perret   Harry Halbreich   Albéric Magnard
Fayard - Biographies 2001 /  27.48 € - 179.99 ffr. / 640 pages
ISBN : 2-213-60846-6
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Curieuse vie que celle d’Albéric Magnard (1865-1914), compositeur qui, trente années durant, parut tout mettre en oeuvre pour se faire oublier. Fils du rédacteur en chef du Figaro, il hérita, à la mort de son père, d’une confortable rente qui le mettait à l'abri du besoin et lui évitait de courir après les droits d’auteurs. Mais cette aisance ne l'empêchait pas de faire preuve d'une extrême exigence envers les autres comme envers lui-même.

Très critique, et très critiqué, il faisait preuve d'une verve grinçante, pas toujours aussi raffinée que son langage musical : il avait baptisé la pianiste Blanche Selva du charmant sobriquet de "grosse vache auvergnate", le compositeur Reynaldo Hahn de celui d’"aimable enculé", et les chefs d’orchestre Edouard Colonne ("Hébreu qui donne la nausée"), Charles Lamoureux ("pourceau qui ne comprend rien à Beethoven") et Camille Chevillard ("brute épaisse au-dessous de tout") en prenaient eux aussi pour leur grade. Curieusement, il n'était pas plus tendre avec ses amis Vincent d’Indy, Gustave Doret, Charles Kœchlin ou Joseph-Guy Ropartz...

A sa décharge, reconnaissons-lui une violence égale pour parler de ses propres œuvres. A propos de son opéra Bérénice, il déclarait ainsi : "jamais je n’ai rien écrit d’aussi ennuyeux". Et, si ses prises de position extrêmes et tranchées l'ont amené à quelques éclats antisémites, il a également signé, avec l'Hymne à la justice, le plus vibrant plaidoyer musical en faveur de Dreyfus... Malheureusement, ses diatribes lui ont valu de farouches inimitiés et, peut-être, l’oubli dans lequel a sombré son œuvre, malgré l’acharnement d’interprètes aussi prestigieux que Gabriel Pierné, Joseph-Guy Ropartz, Eugène Ysaÿe et Ricardo Viñes.

Le destin peu enviable du compositeur s'explique aussi par ses choix de vie. Peu amateur de soirées mondaines, il s'installera avec femme et enfants dans un village retiré de Picardie, loin de Paris, autant dire loin du coeur de la vie musicale française et des principaux lieux de concerts. Méfiant et mettant à profit ses connaissances en droit (qu'il avait étudié avant de se consacrer à la musique), il décidera de s’éditer à compte d’auteur auprès d’une imprimerie gérée de manière collectiviste. Ses partitions ne seront donc pas vendues dans le commerce mais chichement prêtées par leur auteur. Sa mort est digne d’un scénario hollywoodien : en 1914, reclus dans sa maison (sa famille est partie se réfugier à Paris), il tire sur les soldats allemands qui ont investi la propriété. La réplique est immédiate : la maison est incendiée et Magnard meurt entouré de ses partitions...

De cette vie pour le moins atypique, Simon-Pierre Perret tire une biographie assez mal écrite et empesée. Dommage, car l’ouvrage est remarquablement documenté, surtout en critiques musicales de l’époque qui permettent de situer avec précision la réception des oeuvres de Magnard et leur positionnement dans l’esthétique du tournant du siècle. En outre, les relations de ce compositeur avec les autres musiciens et artistes, ainsi que la psychologie du personnage, sont analysées très finement. Bref, le fond est excellent mais la forme impossible.

Comme pour accuser cette faiblesse formelle, la partie biographique n’intègre pas l’analyse musicale des œuvres de Magnard. Celle-ci, magistrale, est confiée à Harry Halbreich et reléguée en fin d'ouvrage. Pourquoi séparer la vie de l’œuvre ? Chez le même éditeur, le Debussy d'Edward Lockspeiser, qui reprenait cette construction dichotomique (Harry Halbreich, toujours lui, se chargeait de la partie analyse), soulignait les limites d’une telle approche...

A cette réserve près, le bilan reste cependant positif. Bien que d’une lecture peu aisée, ce livre demeure très instructif et comble heureusement un vide éditorial. Depuis une vingtaine d’années, Magnard réapparaissait sur les affiches de concerts et les pochettes de disque. Il manquait un ouvrage de référence - le voici.


Maxime Kapriélian
( Mis en ligne le 06/07/2001 )
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