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| Jacques Darras Nous sommes tous des romantiques allemands - De Dante à Whitman en passant par Iéna Calmann-Lévy - Petite bibliothèque des idées 2002 / 16 € - 104.8 ffr. / 242 pages ISBN : 2-7021-3270-7 Imprimer
La tâche à laquelle Jacques Darras sest attelé au fil de quelque 242 pages dune exceptionnelle densité relève du pari fou. Autant que de la démesure. Avec force détails, l'auteur (essayiste, poète, romancier et traducteur) tente de démêler un écheveau dindices et de pistes, dans le seul dessein déclairer ses contemporains sur les raisons de limpasse dans laquelle ils se trouvent. Une impasse qui pourrait se résumer ainsi : comment en sommes-nous arrivés à cet état de confusion mentale née dune absence de dichotomie entre le politique et le religieux? Pour répondre à cette question, Jacques Darras a choisi de disséquer un moment clé dans l'histoire des idées en Occident : celui qui a vu les romantiques allemands, bâtisseurs dune Europe fière mais traversée de conflits sanglants, désigner en Dante lépicentre de toutes les sensibilités universelles, au point que nous continuions à vivre dans lombre de cette sanctification.
Cette «appropriation» de lauteur de la Divine Comédie par les hérauts dune Allemagne nouvelle intrigue Jacques Darras, qui na de cesse dinterroger les bases philosophiques et historiques qui ont conduit les représentants de lEcole dIéna à élever Dante au rang de référent. Les réponses sont nombreuses. Et passablement complexes. Les germes de ce long processus seraient contenus dans luvre princeps du maître italien : la vie humaine y est décrite comme une ascension joyeuse vers la lumière et la connaissance. Mais en faisant sienne l'oeuvre du Florentin, le mouvement romantique la vidée de sa sève. Sous le prétexte de tendre vers linfini, les héritiers du poète ont refusé de séparer le Ciel davec la Terre ; rejeté lidée dune tension permanente entre le politique et le religieux ; stigmatisé lunicité des pouvoirs plutôt que sa différenciation. Le socle de la démocratie en voie dédification sest alors effondré. Lerreur a longtemps perduré, y compris au XXe siècle, période de débats ouverts et de guerres larvées. Un semblant de «salut» est venu de lAmérique, tout entière érigée contre les dangereux ferments de la Vieille Europe, avec Walt Whitman (dont Darras a traduit l'oeuvre complète), qui a définitivement réglé la question du rapport entre politique et religieux, au nom dune liberté individuelle portée à son firmament.
Un pacte faustien avec Dieu, écrit justement Darras. Car encore faut-il que lhomme libre apprenne a gérer ses rapports à la religion, au pouvoir humain, et quil trouve sa place dans un univers hostile.
Stéphane Haïk ( Mis en ligne le 14/03/2002 ) Imprimer | | |
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