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Sinfonia sportiva quasi exhaustiva | | | Robert Parienté La Symphonie des chefs La Martinière 2004 / 35 € - 229.25 ffr. / 914 pages ISBN : 2846751102 FORMAT : 18 x 25 cm
Préface de Manuel Rosenthal. 48 pages de photos. Imprimer
Robert Parienté, ancien directeur de la rédaction de LÉquipe, fait désormais figure de triathlète de haut niveau : encyclopédiste du sport, biographe primé de Suarès, il vient de boucler, en moins de deux ans, un impensable marathon en interviewant par le menu près de soixante-dix chefs dorchestre parmi les plus prestigieux de ce début de millénaire. Ils composent en mosaïque le portrait le plus fidèle à ce jour dun métier fort mal connu, qui consiste à sapproprier luvre dun créateur et le talent de cent interprètes pour les faire coïncider.
Tyran ou démagogue, le maestro a dordinaire mauvaise presse. Sil ne cherche à cacher ni lorgueil dun Valery Gergiev, ni la bile dun Evgueny Svetlanov, ni les préjugés anti-baroques dun Boulez, Parienté na le plus souvent voulu voir que lorganisateur de sons, pas le meneur dhommes. Instructives sont pourtant les confidences parfois aigres-douces de tel ou tel soliste ou instrumentiste, sage contrepoint à ce qui aurait pu nêtre quun panégyrique.
Tombé tout petit dans la fosse dorchestre, Parienté nest pas moins à son aise face au cérébral Boulez quau truculent Rostropovitch. Érudit, parfois taquin, il se permet en fin dinterview le traditionnel questionnaire de Proust, le disque de lîle déserte et même la rubrique sportive : on apprend ainsi que, pour trouver le silence indispensable à leur pratique, Riccardo Chailly fait du parachute ascensionnel et Osmo Vänskä de la randonnée en Laponie.
Parienté le confie volontiers : si le sprint final fut essoufflant, il lui aura manqué quelques mois pour faire la course parfaite en épinglant à son tableau les deux ou trois chefs qui lui manquaient. Quand il na pu les rencontrer, il en a peint un bref portrait, obviant par avance au défaut dexhaustivité dune entreprise si périlleuse : faire à la fois lhistoire dun art, la chronique dune enquête et le portrait dhommes (et de femmes) rarement perçus dans leur dimension humaine. Mais, habitué à débusquer les forces et les faiblesses des dieux des stades, Parienté à lart de faire descendre les Harnoncourt et Abbado de leur pupitre, et de porter à la confidence les athlètes de la baguette, le plus souvent saisis aux vestiaires, avant ou après le suprême effort. Ailleurs, il ne sinterdit pas de sortir le carton jaune pour Bychkov, soupçonné dantijeu à lOrchestre de Paris, voire rouge pour Svetlanov, coupable de tacles malveillants à lendroit de ses confrères.
Car ce livre nest pas une simple collection dinterviews, en soi passionnantes lorsquil sagit du bouillant Gergiev, du vieux lama Giulini, de lex-prodige Benzi, du secret Sanderling ou de limprévisible Yutaka Sado. Sans oublier quelques jeunes chefs davenir, et ces femmes qui, telles Laurence Équilbey et Emmanuelle Haïm, font mentir le machisme de cette mâle profession. Par un singulier effet de miroir, les interviewés composent en effet, sans le vouloir, un autoportrait réciproque dont Parienté sexclut avec modestie, non sans confier à ses héros le soin dévoquer, par petites touches, les maîtres du passé, de Nikisch à Karajan.
Certes, cette histoire de la direction dorchestre négale pas en érudition ou en autorité celle, indispensable, de Georges Liébert (LArt du chef dorchestre, Hachette), mais aucune nest aussi vivante, puisque les chefs «historiques» ici présentés sont évoqués par le souvenir direct de leurs héritiers.
Remuant, joyeux, parfois endeuillé, ce livre est une tentative hardie, mais réussie, de réunir sur une même photo la famille la plus éparpillée qui se puisse imaginer. Malgré leurs dissemblances, tous partagent un trait commun, on nose dire un air de Parienté : lamour filial de la musique, jusque dans les insolences des Bernstein, Jordan ou Sado. Tous sont présents au banquet. Il ne manque ni les toasts, les rires et les larmes
ni même quelques coups de pied sous la table ! Ne dit-on pas que limportant, cest de participer ?
Olivier Philipponnat ( Mis en ligne le 09/04/2004 ) Imprimer
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