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Un monstre et son époque
Jacques Zimmer   Piccoli grandeur nature
Nouveau monde 2008 /  21 € - 137.55 ffr. / 382 pages
ISBN : 978-2-84736-291-6
FORMAT : 14,0cm x 22,5cm

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence.
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20 ans que l’on n’avait pas écrit sur Michel Piccoli (né en 1925), depuis la parution de Michel Piccoli le provocateur de Robert Chazal en 1989. Jacques Zimmer décide de proposer à la nouvelle génération une biographie de l’acteur axée sur une carrière étonnante.

En un peu plus de 300 pages, le lecteur assiste à un parcours quasi sans faute d’un acteur exigeant, mystérieux et charismatique. De ses débuts, à la fin des années 40, à ses premières réalisations, début 2000, la carrière de l’artiste est analysée au peigne fin. Si durant les années 50, il tourne très vite pour deux grosses pointures du septième art, Jean Renoir et René Clair pour ne pas les citer, trois réalisateurs marquants vont propulser la carrière de l’acteur dans les années 60-70 : Godard, Buñuel et Ferreri, pour trois films qui ont marqué le cinéma d’auteur: Le Mépris, Le Journal d’une femme de chambre, Dillinger est mort. Par la suite, il tournera avec les plus grands cinéastes français, enchaînant les tournages et les collaborations : Claude Chabrol, Claude Sautet, Yves Boisset, Jacques Rouffio, Francis Girod, Claude Lelouch, Michel Deville, etc.

Piccoli, comme beaucoup de ses confrères de la même génération, fait ses armes au théâtre. Il enchaîne les pièces et se forme sans véritablement passer par des écoles. Le cinéma, en pleine expansion (on notera l’excellente idée de l’auteur de proposer les box-offices français de chaque année et de dresser un panorama global du cinéma en fonction des décennies.), lui propose très vite des rôles à sa mesure, et durant quelques années, Piccoli tournera la journée pour le grand écran, et jouera le soir devant un public de théâtre. Mais comme souvent, le cinéma l’emporte et l’acteur enchaînera les rôles durant cinquante années intenses avec plus de 350 films à son actif ! Piccoli n’aura jamais de plan de carrière ni d’ambition démesurée, faisant souvent des apparitions dans les films de certains cinéastes juste par amitié.

Qu’apprend-on de cet acteur polymorphe que nous ne sachions pas déjà ? Pas grand-chose, si ce n’est qu’il explosa dans le milieu alors qu’il avait déjà dépassé la quarantaine. Ce n’est en fait plus un jeune nouveau qui crève l’écran durant ces années 60-70.

Zimmer, d’une écriture parfois maladroite, n’évite pas le catalogue et retrace film après film la carrière de l’acteur dont les rôles sont intimement liés à des caractères propres à l’époque. On est partagé à la lecture car l’auteur fait un travail sérieux en reprenant les grands films de Piccoli mais il se perd parfois dans des constructions souvent curieuses, ce qui rend la lecture difficile. On est surpris d’y voir tant de lourdeurs syntaxiques. De plus, Zimmer s’attarde moins sur les années 80-90 alors que de grands films ont aussi vu le jour. Sur La Belle Noiseuse, par exemple, il reste très succinct.

En fait l’intérêt du livre réside souvent d’avantage dans l’aspect purement historique du cinéma que dans le parcours personnel de Piccoli, somme toute, identique à ceux de nombreux confrères. L’on apprend de manière précise quels films marchaient à l’époque, combien de spectateurs se rendaient dans les salles, et Zimmer revient dans des encadrés inclus dans la narration sur les grands noms du cinéma qui ont collaboré de près ou de loin avec l’acteur, histoire de proposer une vue d’ensemble plutôt complète, sans oublier les synopsis des films.

Cette biographie honnête mais pas essentielle propose un panorama du cinéma français de la seconde moitié du XXe siècle en prenant pour référence unique l’immense acteur qu’est Michel Piccoli. Pour les admirateurs, le livre apportera bon nombre d’informations. Les autres se remémoreront avec un certain plaisir les temps forts du cinéma français, avec ces querelles, ces duos d’acteurs, ces tournages et ces rencontres cruciales. L’élément catalyseur de cela étant la figure d’un comédien imposant, secret, rigoureux et discret. C’est ce que l’on aime d’ailleurs chez Piccoli, et Zimmer le montre assez bien. Son côté discret, son charisme et ses choix artistiques ont fait de lui une tête d’affiche incontestable mais aussi un homme dont il faudrait encore percer les secrets.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 31/03/2008 )
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