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Quand le Rapporteur raconte | | | Pierre Bonte ''C'était le bon temps !'' - La bande du Petit Rapporteur Albin Michel 2008 / 17 € - 111.35 ffr. / 240 pages ISBN : 978-2-226-18683-6 FORMAT : 14,5cm x 22,5cm
L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire dun troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourdhui à lécriture de carnets et de romans. Il na pas publié entre autres Fou dHélène, LImprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence. Imprimer
Difficile tâche que décrire un livre sur une émission télé. Cest ce qua tenté de faire Pierre Bonte (né en 1932) sur lémission devenue culte du Petit Rapporteur, grand divertissement humoristique des années Giscard. Lémission a duré à peine un an et demi. Le premier numéro a vu le jour le 19 janvier 1975 et le dernier a été diffusé le 27 juin 1976. Mais elle a rassemblé jusquà 28 millions de téléspectateurs, mieux quune finale de coupe du monde ! Elle a été composée danimateurs ou dhumoristes qui sont devenus célèbres par la suite grâce à limportance des diffusions : Jacques Martin, Stéphane Collaro, Daniel Prévost, Pierre Desproges
Des personnalités comme Piem, Robert Lassus ou encore lauteur du livre, Pierre Bonte, sont restées davantage dans lombre mais ont contribué à sa réussite.
Le Petit rapporteur était avant tout une émission dont lesprit contestataire et irrévérencieux épinglait son époque avec férocité, humour et lucidité. Celle-ci était largement représentée par son président charismatique, Valérie Giscard dEstaing, qui en prenait souvent pour son grade, ainsi que son gouvernement. Précurseur des réformes des médias audiovisuels, ce dernier ne sen est pas pris au ton des sketchs sinon pour leur signifier que ses animateurs étaient parfois irrespectueux ; généralement, ça nallait pas plus loin.
Pierre Bonte, ancien chroniqueur de la bande, revient sur ces années de franche rigolade, en dévoilant les moments cocasses, les dessous de lémission, les préparations ainsi que les diverses personnalités qui composaient le groupe de comiques. Jacques Martin, rédacteur en chef, nétait pas tendre, mais il imposa un style inimitable que les générations actuelles tentent de reprendre à leur compte, souvent sans succès. Car ce programme audiovisuel fut précurseur de toutes les émissions comiques qui sont nées durant les années 80 puis 90, Les Guignols de linfo, par exemple. Lesprit du groupe est parfaitement bien résumé dans ce court extrait qui fait référence au sketch où Prévost et Desproges se battent à coups de boudin blanc dans une charcuterie : «Ce gaspillage de nourriture na pas manqué de choquer bon nombre de téléspectateurs, mais, encore une fois, cétait ça lesprit du Petit Rapporteur : aller le plus loin possible dans la provocation, explorer les limites de linsolence, de la dérision
et aussi de la stupidité parfois. En acceptant ce risque» (p.160.)
Les chroniques du Petit rapporteur épinglaient la politique du moment, mais sintéressaient aussi à la culture, à lactualité médiatique et à dautres domaines de la vie quotidienne du français moyen. Certaines sont devenues cultes depuis. Qui ne se souvient pas de la prestation volontairement désastreuse de Desprogres interrogeant Sagan, de Jean Edern Hallier médusé devant lattitude de Prévost et Desproges qui en viennent aux mains durant leur entretien, et de la célèbre séquence où Daniel Prévost cherche avec le maire de la commune larrêt de Montcuq ! La nostalgie nous parcourt à la lecture des actes de bravoures de ces esprits aiguisés et franchement décomplexés. Les temps ont bien changé...
Un fait ressort, notamment : on distingue dans cette troupe ceux qui furent animateurs et hommes de télé de ce qui furent de vrais comiques. Jacques Martin, créateur et rédacteur en chef, voulait tout contrôler quand Desproges ou Prévost, eux, navaient pas cette ambition et privilégiaient lhumour. Quelques années plus tard, Martin a fait des émissions grand-public quand ses deux acolytes ont su montrer létendue de leur talent durant leur étonnante carrière ! Même Stéphane Collaro, pourtant provocateur de premier ordre, a été soufflé puis éliminé par la télévision
Reste un livre quelque peu curieux dans sa démarche. En effet, Pierre Bonte, dailleurs extrêmement sobre et modeste, névite pas toujours le catalogue et décrit les sketchs de lépoque alors quun bon DVD aurait suffi pour nous faire revivre les meilleurs moments de lémission. Un ouvrage pour les amateurs du Rapporteur ou les esprits curieux qui veulent connaître lenvers du décor de cette aventure télévisuelle !
Jean-Laurent Glémin ( Mis en ligne le 17/10/2008 ) Imprimer | | |
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