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Philosophie |
| Arthur Schopenhauer Insultes Arléa 2010 / 14 € - 91.7 ffr. / 138 pages ISBN : 978-2-86959-911-6 FORMAT : 12,5cm x 20,5cm Imprimer
«Le plus grand bienfait des chemins de fer est dempêcher des millions de chevaux de trait de mener une déplorable existence» - Schopenhauer
Arthur Schopenhauer (1788-1860) est le philosophe dun seul livre Le Monde comme volonté et comme représentation quil publie entre 1819 et 1859 sous diverses éditions. Il est lauteur dautres ouvrages dont De la quadruple racine du principe de raison suffisante, Essai sur le libre arbitre, Le Fondement de la morale, Parerga et paralipomema, Aphorismes sur la sagesse de la vie dont sont tirés les extrais de cette anthologie, injustement peut-être, intitulée Insultes. Le but étant de familiariser le lecteur profane à la pensée du philosophe allemand tout en soulignant sa radicalité et son sens aigu de lattaque personnelle
Et quy lit-on ? Tout dabord un abécédaire de léditeur, consistant à faire une sélection thématique de la pensée de lauteur, allant de «Affection» à «Vivisection», histoire de rendre simple cette classification. Ensuite, et par goût de choquer, une série daphorismes, de pensées, de constatations, danecdotes, sans nuance parfois, sur les obsessions philosophiques, morales, religieuses et matérielles du philosophe.
Ceux qui avaient une image déjà faite de lauteur (solitaire, aigri, misogyne, etc.) seront servis par ce recueil, tant Schopenhauer ne fait pas dans le détail. Quatre axes ressortent clairement de ce recueil forcément partial : les femmes, la société allemande, Hegel et les animaux. Dautres thèmes interfèrent bien sûr comme la religion ou la métaphysique. Pour les trois premiers, sa rancur et sa haine vont de pair. La société et le monde universitaire allemands sont rejetés demblée, et Hegel, qui représente lincarnation maléfique par excellence, en prend pour son grade. Quant aux animaux, rares rescapés du monde de Schopenhauer, ils ont droit à son admiration et à son amour. Rappelons que le philosophe allemand avait pour seuls portraits dans son salon, ceux de ses fidèles quadrupèdes.
En guise daphorisme pouvant montrer et la voie à suivre et la brutalité du propos, retenons celui-ci qui, certes, exclut les attaques sur Hegel et lAllemagne, mais népargne pas le vrai problème humain, les femmes : «Linjustice est le défaut capital des natures féminines. Cela vient de leur peu de bon sens et de réflexion, et ce qui aggrave encore ce défaut, cest que la nature, en leur refusant la force, leur a donné, pour protéger la faiblesse, la ruse en partage ; de là leur fourberie instinctive, et leur invincible penchant au mensonge. Le lion a ses dents et ses griffes ; léléphant le sanglier, ont leurs défenses, le taureau a ses cornes, la seiche a son encre, qui lui sert à brouiller leau autour delle ; la nature na donné à la femme pour se défendre et se protéger que la dissimulation ; cette faculté supplée à la force que lhomme puise dans la vigueur de ses membres et dans sa raison. La dissimulation est innée chez la femme, chez la plus fine comme chez la plus sotte (
), ce qui fait quil est presque impossible de rencontrer une femme absolument véridique et sincère. Et cest justement pour cela quelle pénètre si aisément la dissimulation dautrui, et quil nest pas conseillé den faire usage avec elle. De ce défaut fondamental et de ses conséquences naissent la fausseté, linfidélité, la trahison, lingratitude».
Que retire-t-on au final de ce groupement de pensées, passées les attaques violentes dun homme assez écuré par une société qui la banni toute sa vie ? A la fois une sagesse morale assez forte dont la radicalité ne manque pas de mélancolie, et une réflexion toute en opposition à la bienséance de son époque. Accessible du point de vue du style, Schopenhauer est un accompagnateur dâme annonçant tristement la société contemporaine, et qui, dès les années 1800, lui a fait la vie dure. Ses réflexions sur le pouvoir, la réussite ou le progrès résonnent d'un écho particulièrement pertinent aujourdhui. Cest à cela que lon reconnait la puissance des grandes uvres littéraires et philosophiques, leur incarnation dans le temps.
Pessimisme désenchanté certes mais en phase avec une certaine beauté de la vie terrestre ; nous sommes pour que Schopenhauer, qui doit faire hurler encore certains lecteurs (voire des lectrices !), ait droit de cité ! A lui de conclure : «Sil y avait un Dieu, je naimerais pas être ce Dieu, la misère du monde me déchirerait le cur».
Henri-Georges Maignan ( Mis en ligne le 22/11/2010 ) Imprimer | | |
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