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Philosophie |
| Alain Guyard 33 leçons de philosophie par et pour les mauvais garçons Le Dilettante 2013 / 20 € - 131 ffr. / 287 pages ISBN : 978-2-84263-773-6 FORMAT : 14,0 cm × 20,4 cm Imprimer
En plagiant car est-il possible de limiter ? Michel Audiard, on pourrait dire quAlain Guyard est une «épée», lun de ces gars à qui on ne la fait pas, un affranchi, un cador. Et son domaine, cest la philo
non pas cette «philosophie» un brin précieuse, mais la philo, le truc quon se repasse comme un vieux bouquin tout usé à force dêtre lu, relu, corné et souligné. Quelque chose dattachant à condition quon sy attache. Et donc Alain Guyard, philosophe en rupture de banc (universitaire), sy attache. Après La Zonzon, qui évoquait un peu la même philo par les marges, il sagit de proposer 33 portraits de philosophes/leçons de philos (avec exercices pratiques) afin de démontrer une seule chose : le philosophe, loin dêtre un petit marquis pérorant devant une cour estudiantine, est au contraire un mauvais garçon, aux murs souvent douteuses, aux idées originales et forcément déplaisantes. En leur temps, Socrate, Spinoza, Schopenhauer ou Nietzsche étaient des infréquentables, de la mauvaise graine dont, maintenant, nous sniffons livraie.
Un peu de démagogie ne nuit pas : on opposera donc assez facilement le philosophe de salon, grande mèche et chemise blanche, discours assuré et références érudites, au philosophe de la rue, lair bravache, le langage fleuri, le discours tout autant assuré, mais indiscutablement plus plaisant. Car Alain Guyard est un philosophe, mine de rien, un mauvais garçon peut-être, et un pédagogue qui sait tenir son auditoire en haleine. Le but de ce qui nest pas quun jeu littéraire : lexploration
Certes, des manuels de philosophie pour tous en quarante douze leçons, il y en a de toutes sortes, et pour tout public : du bachelier pressé à lhonnête homme du dimanche, en passant par le conférencier daprès repas ou lhôtesse en quête de profondeur. Et la question que pose cet ouvrage, comme tous les autres du reste, cest : à qui sadresse-t-il ?
La philosophie devrait être chose universelle, mais son enseignement est parfois si rébarbatif quil éteint toute velléité de pensée. Disons quAlain Guyard sadresse déjà à ceux que le cours de philo de terminale a barbé. Et pour les réconcilier avec les jeux de lesprit. Largot est amusant, mais il nest que parure : lessentiel est la démarche, sympathique en ce quelle apostrophe le lecteur, le harangue, lattrape par le col pour lui développer de lidée et du concept. Format court, chaque chapitre, de quelques pages, explore un philosophe, non sans provocation, pour réduire à néant au moins un complexe : non, la philosophie nest pas lapanage dune élite, et oui, tout le monde peut en déguster, du moment que le plat est appétissant. Et ça, lauteur sait y faire. Et alors, on se prend à rêver, on se dit quune relecture de Descartes par Guyard, ça a quand même plus de cuisse que linsipide résumé dune édition bachelière.
Bon, il a ses têtes, le Guyard : méfiance envers les antiques, doutes quant aux gens du Moyen âge, hostilité à peine déguisée envers Schopenhauer et déclaration damour émue pour Descartes et Spinoza. Socrate le fait rire un peu, mais Hegel lennuie, et Hobbes le rebute. Quant aux contemporains, là, on braconne un peu du côté des romanciers, des artistes, des militants, bref, les marges. Ne nous y trompons pas : il ne sagit pas dun abrégé de la philosophie de X ou Y par Alain Guyard, mais plutôt dune galerie de portraits avec les fréquentables, les pénibles, les jargonnants, les ceux quont rien à dire, les arnaqueurs, etc.
Personne naura le bac ou la licence de philo avec cet ouvrage, mais dun autre côté, lenjeu nest pas là ; il est dans cette manière toute gaillarde dinciter à revenir sur une (mauvaise) impression de jeunesse pour relire de la philo et plonger dans ses eaux noires
Les nostalgiques de Frédéric Dard et de sa plume peuvent y aller sans hésitation : Alain Guyard sait y faire et, non sans une certaine préciosité dans ses références qui dénote le lecteur de Télérama mal assumé, sa philosophie est de celle qui se déguste. Une alternative plaisante au Monde de Sophie
on attend maintenant sa re-lecture assassine des bons garçons de la philosophie.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 10/05/2013 ) Imprimer
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