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Žižek en clair/obscur
Slavoj Zizek   L'Intraitable - Psychanalyse, politique et culture de masse
Economica 2013 /  19 € - 124.45 ffr. / 192 pages
ISBN :  978-2-7178-6561-5
FORMAT : 21.5 X 13 cm
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Slavoj Žižek est un philosophe trublion, féru de Lacan et de Hegel, critique féroce de la postmodernité, faisant souvent référence à la culture populaire, notamment le cinéma. Voici un livre qui était déjà sorti en 1993, aujourd'hui réédité avec une nouvelle préface de l’auteur. Comme à son habitude, Slavoj Žižek fait feu de tout bois dans un texte complexe et dense, parfois obscur, parfois d’une grande limpidité. Il est donc difficile de résumer son approche : le philosophe est souvent ironique, renversant les idées reçues.

Prenons comme exemple la première partie, intitulée ''Pourquoi la femme est-elle un symptôme de l’homme ?'', avec des sous-parties comme ''Pourquoi le suicide est-il le seul acte réussi ?''. Là, l'auteur s'intéresse principalement aux films de Roberto Rossellini avec Ingrid Bergman (à l'exception du premier, Allemagne année zéro). Slavoj Žižek analyse ce film où le jeune Edmund, après avoir versé la dose mortelle à son père qui le lui demandait, se jette dans le vide. Il considère ensuite Europe 51 où Irène, après la mort accidentelle de son enfant, rompt avec son mode de vie et se sacrifie pour venir en aide aux malheureux avant d’être jugée irresponsable par un juge et envoyée en observation dans un hôpital psychiatrique ; puis Stromboli où, en faisant l'expérience de l'épiphanie, Karin réalise son aversion pour la vie étouffante du village. Dans une sorte de renaissance, elle accepte son destin...

Žižek renverse le schéma de la culpabilité ; pour lui, il faut concevoir le fait d'assumer la culpabilité comme une dérobade devant le traumatisme réel, c’est-à-dire que l’on s'échappe dans la culpabilité. Dans les films de Rossellini, l’individu fait une expérience radicale «celle de l'exclusion — de la mise à distance — de l'Autre lui-même, de l'ordre symbolique. Ce qui le pousse à l'acte est la prise de conscience de l'insuffisance et de la nullité absolues de tout fondement idéologique». Le suicide est analysé ici non comme un acte mais comme une suspension de l'ordre symbolique. «Et qu'est-ce que l'acte ? — sinon le moment où le sujet qui le soutient suspend le réseau des fictions symboliques qui sert de support à sa vie quotidienne et affronte à nouveau la négativité radicale sur laquelle elles sont fondées».

Pour Slavoj Žižek, il n’y a pas de réconciliation ni d’accusation de la société. Karin, dans Stromboli, devrait accepter de vivre dans la communauté fermée de l'île ; Irène, dans Europe 51, devrait se retrouver dans la foi naïve des pauvres qui la déclarent sainte ; les deux Anglais, dans Voyage en Italie, devraient briser l'étroitesse de leur relation en se plongeant dans la spontanéité de la foule italienne mais, précise le philosophie, la stratégie des films dénonce ce leurre comme tel. «Chacun de ses films est un effort finalement vain pour composer avec le réel de quelque rencontre traumatique. Que sont Rome, ville ouverte, Paisa et Allemagne, année zéro ? — sinon trois tentatives de s'accommoder du trauma du fascisme. Que sont Stromboli, Europe 51 et Voyage en Italie ?— sinon des tentatives d'intégrer, de maîtriser la rencontre traumatique avec Ingrid Bergman et son acte quand elle a dit «Non !» à Hollywood pour le rejoindre, alors qu'elle était au sommet de sa gloire de star. Décision stupéfiante, véritable «acte de démence» que rien ne pouvait égaler dans la vie de Rossellini, faite de manœuvres opportunistes. En vérité, tous les films dont elle est la vedette déploient une activité frénétique pour égaler la dignité de son acte, pour le compenser — mais cet acte, c'était celui de Bergman», conclut Zizek. Voilà pourquoi la femme serait un symptôme de l’homme...

Les autres parties, ''Pourquoi tout acte est-il répétition ?'', ''Pourquoi le phallus fait-il son apparition ?'' ou ''Pourquoi dois-je aimer la nation comme moi-même ?'', s’intéressent respectivement, toujours dans une optique lacanienne (la triade imaginaire-symbolique-réel, etc.), aux rapports entre la justice et le sacrifice, aux relations avec le monstre (par exemple Le Fantôme de l’opéra de Gustave Leroux ou Le Cri de Edvard Munch) et enfin à celles entre la jouissance (lacanienne, à ne pas confondre avec le plaisir, plutôt le plaisir dans le déplaisir) et le nationalisme.

Cet essai est donc étourdissant par la somme de savoirs, de références et d’analyses ; il faut y être préparé. On n’en vient pas à bout en une seule fois. C’est souvent brillant et intelligent, renversant le consensus sur de nombreux sujets politiquement corrects. Mais on peut reprocher à Slavoj Žižek d’être parfois un peu obscur dans l’exposé de sa pensée. Néanmoins, voilà un ouvrage passionnant.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 09/07/2013 )
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