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Le José Bové de la médecine française
Martin Winckler   Catherine Nabokov   Nous sommes tous des patients
Le Livre de Poche 2005 /  6,00 € - 39.3 ffr. / 220 pages
ISBN : 2-253-11243-7
FORMAT : 13x18 cm
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Martin Winckler –le généraliste qu’on ne présente plus- se livre dans ce petit ouvrage à l’exercice difficile de l’interview, rondement menée ici par Catherine Nabokov qui ne lui épargne rien. Beaucoup de questions déroutantes (comment le médecin écoute-t-il le patient ? pourquoi devient-on médecin ?) donc, avec en filigrane un constat simple et désespérant : l’incompréhension qui sépare les êtres, et par conséquent le médecin de son patient, et l’impossible relation d’égalité entre un soignant qui détient le savoir et un soigné qui n’a que sa souffrance pour compagnie.

Fort de son expérience, Martin Winckler pose évidemment un regard intéressant sur la pratique médicale actuelle, et ne manque pas de soulever des questionnements déontologiques essentiels. Chacun en prend pour son grade : laboratoires, politiques, spécialistes … Avec parfois un ton quelque peu revanchard envers ces mêmes spécialistes justement, qui met à jour les vieilles guerres intestines et puériles opposant des éléments qui devraient pourtant marcher dans le même sens. La déshumanisation des grands Centres Hospitalo-Universitaires (CHU) y est de plus largement décriée et on ne peut que rejoindre l’interviewé sur sa sévérité envers un système sclérosé et profondément imbu de lui-même.

Martin Winckler se laisse ainsi parfois aller à une vision très sombre de la médecine, et met le doigt là où ça fait mal : il dénonce pêle-mêle la mauvaise formation des futurs praticiens -inégalitaire et trop théorique avec un concours de première année parfaitement idiot-, la prétendue puissance des médecins ou encore le peu de considération apportée aux malades. Mais il ne fait finalement que survoler des sujets qui mériteraient d’être plus approfondis et s’accordent mal de quelques opinions personnelles peu argumentées, faute de place. On regrette par exemple que la problématique de la médecine en tant que science humaine ne soit pas plus développée au cours de ces quelques deux cent pages, fragile condition qui la met à la fois constamment en danger mais la rend aussi passionnante. Déchiré entre la volonté (et la nécessité) de rationaliser, de mesurer, de contrôler et celle de prendre l’Humain dans sa globalité, l’art médical réside ni plus ni moins à appliquer des généralités et des lois statistiques à des cas particuliers qui ne pourront pourtant jamais être réduits à de simples catégories. Ce pari douloureux est en passe d’être perdu, avec la tendance actuelle à une dérive techniciste dont se plaint Winckler, qui relève de la responsabilité de tous, et non pas uniquement de celle des praticiens : l’obligation de résultats (de plus en plus prégnante), la recherche de coupables et de dédommagements de la maladie et le refus de la fatalité minent une médecine déjà en proie à une crise existentielle profonde. Notre condition de simple mortel nous est tout simplement inacceptable à l’heure où plus rien ne semble pouvoir entraver l’Homme dans son exercice de libre-arbitre (sauf la mort justement) et où l’on peut éliminer Karima en tapant 1.

L’entretien tombe par ailleurs souvent dans le travers de la terminologie pompeuse, martelé de formules digne d’un publicitaire avisé et gangrené par une rhétorique agaçante et sentencieuse de bon samaritain : «Et si je me trompe, je trouve moralement moins pénible de me tromper avec le patient que de vouloir avoir raison contre lui». Démagogie, quand tu nous tient… Passons outre le fait que les devoirs du patient envers ses soignants soient totalement occultés (bien que ne pas s’y tenir nous expose au mépris justifié de ces derniers) et que la dimension médico-légale de la relation médecin/malade soit quasiment passée sous silence pour retenir les anecdotes piquantes qui parsèment ce long dialogue : Winckler se gargarise ainsi des perles rencontrées au cours de son exercice, histoires de chasse tantôt amusantes, tantôt tragiques qui auréolent l’ensemble d’une touche très «ancien combattant». Mais que penser finalement de l’avis d’un médecin qui n’est plus en activité depuis plusieurs années, et qui croit encore à la toute-puissante du «docteur» dans notre société? Personne n’a donc osé lui souffler que cela fait belle lurette que le médecin est descendu de son piédestal et que son combat contre un statut qui n’est plus s’apparente dangereusement à une lutte contre des moulins à vent ? Et comment ne pas être irrité par les positions dogmatiques et bien-pensantes d’un écrivain à succès narcissique (ou vendeur, c’est selon) qui n’oublie pas de ponctuer au passage ses propos des références de ses différents ouvrages, disponibles dans toutes les bonnes librairies ?

En définitive, ce livre s’adresse avant tout aux étudiants en médecine, puis aux praticiens, offrant des pistes de réflexion sur les grandes problématiques de l’exercice médical, avec ses incertitudes et ses aléas. Avec le regret que cette goutte d’eau dans un océan de dysfonctionnements ne bouleversera pas du jour au lendemain leur pratique quotidienne…


Océane Brunet
( Mis en ligne le 15/03/2005 )
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