|
Sciences, écologie & Médecine -> Ecologie & nature |
| Laurent Larcher La Face cachée de l'écologie - Un anti-humanisme contemporain ? Cerf 2004 / 24 € - 157.2 ffr. / 270 pages ISBN : 2-204-07349-0 FORMAT : 11x20 cm
Lauteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé dHistoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur lhistoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif. Imprimer
De toute évidence, Laurent Larcher aime la polémique. Cest ce que laisse supposer son ouvrage, ambigu par bien des aspects. Lauteur est historien des idées. Nous aurions été en droit de nous attendre à une analyse historique de lécologisme (et non de lécologie comme le laisse entendre à tort le titre), orientée bien sûr comme toute analyse, mais nuancée et impartiale à défaut dêtre objective.
Et cest bien un travail dhistorien que nous avons dans un bon tiers du livre, avec des notes abondantes, une bibliographie précise, de nombreuses citations remises en contexte et dont les sources sont clairement identifiées (même si elles débouchent parfois sur de la paraphrase), ainsi que des explications argumentées et nuancées dévolutions ou de phénomènes historiques.
La deuxième partie de louvrage est à cet égard la mieux conçue et la plus intéressante. Lauteur retrace de manière claire et précise lhistoire de «lâge dor» et du «paradis terrestre», dans une entreprise réussie dhistoire culturelle. «Avant, cétait mieux» : cette thématique, très présente dans les témoignages historiques et, par conséquent, dans les mentalités, est ici explorée à laune de lécologisme. Ces fantasmes sont en partie à lorigine de lidéologie écologiste, en tout cas lun de ses ressorts les plus importants.
On peut simplement regretter le parallèle provocateur fait entre écologisme et nazisme même sil est exact que certains écologistes extrémistes, très peu nombreux, présentent dimportantes convergences didées avec le nazisme. Mais la généralisation fait rarement bon ménage avec lHistoire.
Un deuxième tiers de louvrage peut être considéré comme une profession de foi chrétienne. Lauteur, à laune de ses propres convictions religieuses, va chercher à prouver tout dabord que lécologisme est intrinsèquement anti-chrétien, et donc anti-humain, et que, ensuite, une véritable «écologie chrétienne» existe, particulièrement à travers les dits et les actions de Jean-Paul II. On conseillera au lecteur intéressé par cette thématique de consulter louvrage dHélène et Jean Bastaire (Pour une écologie chrétienne, Cerf, 2004) : il explore les dimensions écologiques du christianisme, sans exonérer les chrétiens de leurs responsabilités (au contraire, semble-til, de Laurent Larcher), ni diaboliser et caricaturer les écologistes.
Cest ce dernier point qui est le plus décevant, et le moins historique au sens de la méthode employée, dans le présent ouvrage, de sorte que le dernier tiers de son livre est sujet à de fortes cautions (la première partie essentiellement). Lauteur reste dans la confusion entre écologie et écologisme. Il les met sur le même plan alors que lécologie est une discipline scientifique et lécologisme un mouvement social, politique et idéologique. Il existe des passerelles entre les deux mais elles ne sont pas obligatoires. On peut difficilement nier tout crédit scientifique aux travaux sur lécologie du Professeur François Ramade ou du regretté Théodore Monod par exemple. Rien de commun en tout cas avec un Daniel Cohn-Bendit. A moins de faire preuve dun parti pris idéologique qui empêche détudier et, plus grave pour un historien, de présenter de manière impartiale un phénomène.
Or, cest, parfois, limpression qui se dégage de certains passages de louvrage. Prenons lexemple du loup dans le Mercantour (pp.47-48) : lauteur met sur le même plan les deux thèses sur larrivée des loups. Or ces deux thèses nont pas la même valeur : lune, qualifiée «dofficielle», est issue de travaux effectués par des scientifiques aux compétences et méthodes reconnues par leurs pairs ; lautre est celle colportée sans argumentation scientifique par certains éleveurs et élus locaux. La partialité est flagrante au vu du nombre de lignes allouées à chacune delle : quatre lignes pour la première thèse, vingt-huit pour la seconde
Autre marque de parti pris, lauteur dénonce en introduction le catastrophisme écologiste (ce en quoi il na pas forcément tort) et sinterroge sur limposture de ceux qui y joignent leurs voix. Mais, on constate avec regret que dans son chapitre sur «lécologie chrétienne», il donne foi aux paroles de Jean-Paul II qui salarme de la dégradation générale de lenvironnement : constat quil reprend même à son compte en conclusion.
Plus grave encore, Laurent Larcher dresse une typologie caricaturale des mouvements écologistes (il est vrai que lextrême éclatement et la diversité de cette mouvance rendent lentreprise typologique ardue et hasardeuse). Ce faisant, il réalise un amalgame dangereux entre les différents courants en présentant le terrorisme écologiste comme leur avenir commun probable. Lauteur écrit par exemple, à propos décologistes qui militeraient pour lextinction de lespèce humaine afin de sauver la planète : «Ces fanatiques sont-ils des marginaux sans avenir ? Rien nest moins sûr si nous abandonnons lhumanisme pour lécologisme» (p.121).
A la lecture de louvrage polémique de Laurent Larcher, à la thèse sans nuance, on a l'envie de lui poser une question : pourquoi lhumanisme devrait-il être nécessairement anti-écologique ?
Rémi Luglia ( Mis en ligne le 16/04/2004 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Pour une écologie chrétienne de Hélène Bastaire , Jean Bastaire | | |
|
|
|
|