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Animation / manga -> Japanimation |
Lumières dans les ténèbres avec Takahata Isao Kaze 2004 / 30 € - 196.5 ffr. Durée film 85 mn. Classification : Tous publics | Sortie Cinéma : 1988, Japon
Titre original : Hotaru no haka
Version : DVD9/Zone 2
Format vidéo : 16/9 compatible 4/3
Format image : 1.85
Format audio : Japonais, français, allemand (Stéréo 2.0)
Sous-titres : Français, allemand, sourds et malentendants
DVD 1
Le Tombeau des lucioles
DVD 2
Making of du film
Interview de Isao Takahata
Interviews autour du Tombeau des lucioles
Galeries d’images
Bandes annonces issues du catalogue Kaze
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Kôbe, été 1945, deux orphelins, un adolescent, Seita, et sa petite sur, Setsuko, tentent de survivre dans une ville en proie à la famine, et ravagée par les bombes. Isao Takahata signe une adaptation très fidèle du récit élégiaque, et semi-autobiographique, écrit en 1967 par Akiyuki Nosaka. Le dessin animé qui, selon les deux créateurs, constitue la meilleure façon de raconter une histoire aussi tragique, résulte dune conjugaison de leurs souvenirs denfance durant la Seconde Guerre mondiale. Issus de la même génération, le cinéaste, traumatisé par le bombardement de sa maison, partage une aversion commune pour cette période, avec lécrivain originaire de Kôbe, dont la mère adoptive périt sous les bombes avant que sa jeune sur ne succombe de malnutrition.
Takahata suit lerrance des deux enfants livrés à eux-mêmes, témoins et victimes impuissantes des horreurs de la guerre, et des bassesses quelle engendre. Des bâtiments détruits, éventrés, aux corps calcinés gisant au milieu des décombres ou grignotés par les vers, rien du spectacle de la souffrance et de la mort nest épargné. Nosaka fut dailleurs frappé par la justesse de la reconstitution du Kôbe de cette époque, ainsi que de lauthenticité poignante des visages faméliques des enfants.
Le classicisme du graphisme et du vocabulaire cinématographique, privilégiant les plans fixes et soignant particulièrement les cadrages, montre la maîtrise totale quexerce Takahata sur son uvre. Se considérant plus comme un réalisateur usant de la technique du cinéma danimation quun créateur de dessin animé, il fait preuve dune exigence constante à travers les minutieuses indications, sur chaque geste, expression et décor, quil donne à ses collaborateurs. Le réalisme sinscrit dans le souci des détails, de la description de lhabitat urbain à celle de la nature. Cette précision dans le traitement des paysages vernaculaires se retrouve dans luvre de Hayao Miyazaki, avec lequel il a créé le studio Ghibli.
Ancré dans la culture japonaise, lattachement à la nature, qui est prégnante dans son film Gôshu, le violoncelliste et sa série télévisée Heidi, agit comme une opposition entre deux univers distincts dans Le Tombeau des lucioles. La quiétude de la nature estivale où se réfugient les enfants, que ce soit au bord de la mer ou dans un abri près dun étang, contraste avec limpression de chaos et de désolation qui règne sur la ville. Le cycle de la nature reste immuable face aux destructions, contrebalançant ainsi limpermanence et la vacuité de lexistence humaine, soulignée entre autres, par la photographie chiffonnée du père en officier de marine. Seita se raccroche à cet objet dérisoire, unique souvenir dun bonheur familial désormais révolu. Cette nostalgie du passé, le côtoiement du renouveau et de la mort, est présente notamment dans une scène où le jeune garçon quémande du charbon de bois afin dincinérer sa sur. Il croise dans la rue les membres dune famille aisée, qui tout à leur joie de revenir dans leur maison, sempressent de faire tourner, sur leur phonographe, un disque chantant les louanges du foyer. Un panorama sur une étendue deau bordée darbres, constitue une brève transition entre cette scène dallégresse, et les images du sordide taudis des deux enfants où des débris dobjets et de nourriture jonchent le sol.
La beauté des paysages, où le bleu de la mer rejoint lazur du ciel en référence aux estampes de Hiroshige, tranche radicalement avec la déchéance humaine. Il existe, cependant, un parallèle tout aussi constant entre la nature et la mort. Ainsi les bombes incendiaires déversées par les B29 américains sont comparées aux lumières émises la nuit par les lucioles (dans le titre de son livre Nosaka a dailleurs donné au mot « lucioles » une graphie originale signifiant : feu qui tombe goutte à goutte). La présence des lucioles est également moins prosaïquement associée à toute une symbolique. Ces insectes phosphorescents, qui font lobjet dune fête au Japon, apportent un peu de lumière aux enfants plongés dans les ténèbres, au noir effectif de la nuit comme à la noirceur de leurs pensées. Elles représentent aussi le passage entre la vie et la mort, en tant que survivance matérielle, issue dune croyance animiste, des âmes des défunts (à linstar du film de Yasuo Furuhata, Le chemin des lucioles (2002), où elles symbolisent les âmes des kamikazes sacrifiés). De façon inconsciente, Setsuko sert cette symbolique lorsquelle enterre des lucioles mortes dans une tombe, représentation métaphorique de la sépulture de sa mère. Les coléoptères apparaissent comme le lien entre le monde des vivants et celui des morts, et entourent une nouvelle fois Seita et Setsuko dans des images oniriques teintées de rouge, où les enfants passés dans lau-delà se retrouvent enfin délivrés.
Dautres films danimation japonais se sont déjà attaqués à des thématiques difficiles en tentant dillustrer lindicible. Ainsi Pika-don (1978) de Renzo Kinoshita, montre les minutes qui précédent et suivent limpact de la bombe atomique sur Hiroshima. En revanche, cest la première fois quun dessin animé, traitant dun sujet sombre et historique, touche un si large public, y compris occidental, au point de devenir un classique et une référence parmi les productions du studio Ghibli.
A travers la guerre et ses affres, Takahata dénonce le sacrifice des populations sur lautel de lhégémonisme des nations. Cependant, reprenant la position de Nosaka, il critique également le concept, typiquement japonais, damae. Cette acceptation par lindividu de se conformer au désir de la collectivité ainsi quau giri (obligations sociales). Face au patriotisme exacerbé, qui mène inexorablement à lhumiliation et au rejet des plus faibles, des improductifs, Seita se met volontairement en marge de la société. Désemparé et seul, ladolescent décide de soccuper exclusivement de sa sur, et quitte la maison dune tante éloignée où ils étaient recueillis. Celle-ci, tout en profitant de leur réserve de nourriture, leur fait comprendre quils constituent un poids pour la société puisquils ne contribuent aucunement à leffort de guerre. Dans son état de déréliction, ladolescent perçoit confusément que le mensonge se cache derrière la propagande nationaliste (sentiment que confirme une scène où il réalise limmanence de la défaite). Il rompt avec la communauté, sans laquelle il lui est impossible de survivre, et tente dexister en tant quindividu. Sa mort intervient durant la nuit du 21 septembre 1945, date cyniquement choisie par lauteur car la veille fut décrété, au Japon, le « Plan général pour la protection des orphelins de guerre ».
Cette seconde parution par les éditions Kaze, propose sensiblement les mêmes bonus que leur DVD Collector sorti précédemment (hormis le livre de Nosaka et un livret art book dimages du film et de croquis). Les suppléments offrent un bref making of promotionnel réalisé pendant le tournage, un entretien de Takahata, ainsi quune longue série dinterviews chapitrées de, plus ou moins, spécialistes de lanimation japonaise qui livrent leurs opinions sur le film et décrivent son accueil en France.
Corinne Garnier ( Mis en ligne le 28/02/2005 ) Imprimer | |
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