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"Je dessinerai votre âme avec mes mots"
Yasunari  Kawabata   Récits de la paume de la main
L.G.F - Le Livre de poche 2001 /  0.84 € -  5.5 ffr. / 252 pages
ISBN : 2-253-93341-4

nouvelles traduites du japonais par Anne Bayard-Sakai et Cécile Sakai
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Entre 1921 et 1964, Kawabata (1899-1972) publia cent soixante-quinze nouvelles dans divers quotidiens et diverses revues. Il en retint 112 dans l’édition de l’œuvre intégrale (37 volumes, Tôkyô, Shinchôsha, 1980-1984). Bien qu’il considérait la nouvelle comme "une forme qui convenait à sa nature" et dans laquelle il pouvait puiser la liberté nécessaire à l’écriture et à "l’envol de la poésie", ce sont ses romans Pays de neige, Nuée d’oiseaux blancs et surtout Les Belles Endormies qui lui donnèrent le prix Nobel de Littérature en 1968 ainsi qu’une audience internationale.

L’actualité littéraire aidant, Le Livre de Poche propose une nouvelle édition des Récits de la paume de la main, ces Tenohira no shôstesu (romans courts) de Kawabata – au total, soixante de ces récits, tous écrits entre 1923 et 1964. Cette traduction vient compléter la toute récente publication de la Correspondance entre Kawabata et Mishima publiée chez Albin Michel. Depuis maintenant un peu plus d’une décennie, la littérature asiatique (A Chang, Mo Yan, Lu Wenfu, Wang Meng) a su trouver son public (alors qu’elle était reléguée en périphérie depuis longtemps) et s’étale davantage dans les librairies et autres rayons de bibliothèques. Il y a probablement un effet de mode dans cet engouement littéraire correspondant à l’essoufflement des littératures européennes et américaines, mais surtout la découverte d’une littérature moderne, fraîche et créative qui s’érige sur les ruines d’une tradition littéraire vieille de plus de 2000 ans qu’elle ne cesse de subvertir. Le prix Nobel 2000 de littérature, Gao Xingjian, français mais d’origine chinoise, est probablement l’un des signes de cette correspondance fertile (notamment dans le cinéma et dans la musique) entre les deux continents.

En marge des grands livres de Kawabata, ces 60 nouvelles relèvent de l’esthétique hétérogène. On peut les lire comme des fables, des vignettes, des récits d’enfance, des instants de vie, des fictions, des récits linéaires ou se contenter d’une lecture cursive, chaque récit se donnant dans une étonnante transparence.

Une jeune femme veut devenir l’exacte réplique de l’être aimé et s’y adjoindre en une fusion et en un corps. Deux amoureux vont enfin joindre leurs voix dans et par la mort. Une jeune mariée succombe à l’instant où son époux se met à prier pour elle. Un homme veut enterrer son grand-père et pleure des larmes de sang… Toutes ces esquisses instantanées jouxtent divers espaces littéraires, biographiques et artistiques. La vie se confondant avec la fiction, le rêve avec le réel, la prose avec le vers, Kawabata parvient à suturer divers fragments. C’est moins la dimension thématique que cette économie de flux de conscience qui assure, paradoxalement, la continuité et la cohérence des nouvelles. A défaut d’avoir un récit, une histoire ou des personnages, il y a du texte - vers et prose. Expérimentation littéraire, la brièveté, l’art de l’ellipse ou l’allusion instaurent un demi-mode du dire, un clair-obscur précisément ambigu. D’où le caractère énigmatique de la plupart des Récits de la paume de la main qui invitent au rêve et laissent en suspens toute signification discursive.

D’une certaine façon, Kawabata se place déjà toujours au-delà du texte et du sens. Il invite à la poésie de quelque chose d’inachevé mais qui s’offre dans sa plénitude, justement parce que quelque chose comme l’unité se trouve éclatée. Le fragment supplée le manque et les lacunes d’un monde qui se ne gère plus en terme de totalité. Alors, l’hétérogénéité des sujets se dispose dans la création de couples contradictoires : la fiction, le réel ; la mort, la vie ; le bleu du ciel, la moiteur de la terre...

Dans cet espace ramassé d’écriture, laboratoire et écluse, la disparité des sujets et des textes se trouve tendue par le motif de la disparition et de la mort. La perte (des repères et du père dans la première nouvelle : "Ramasser les ossements" comme celle du paysage et de sa mémoire) est peut-être le seul motif qui rassemble les nouvelles. Le registre est constant et soutient, dans la fiction, ce qui certainement a marqué Kawabata dans l’ordre du réel. L’inquiétude est toujours liée à l’omniprésence de la mort avec sa palette de métaphores, disparition, enlèvement, séparation, abandon, perte… La vie se joint à la mort et le présent, jamais vécu dans sa plénitude, est déjà toujours un passé : "La plage était baignée par un soleil d’automne Et ce soleil réveilla de vieux souvenirs enfouis. Je venais de me remémorer ce soleil tombé dans l’oubli".

Mishima l’analyse dans sa Correspondance (Albin Michel) : "Tout en intercalant dans la narration des hésitations et des ruptures, sa technique consiste à faire briller un instant, tel un éclair, une phrase inquiétante". Fukitsu : inquiétant. La fragmentation et l’esthétique lacunaire métamorphosent ainsi le texte en son au-delà : la musique ou la peinture. Et dès lors, chaque nouvelle peut se comprendre comme un développement quasi-allégorique : une texture musicale ou une peinture, un décor – ombre chinoise – qui institue la liaison entre divers règnes : la mort et la vie, la poésie et le roman. Le seuil, la jonction deviennent les métaphores centrales de chaque récit : elles donnent à voir une forme composée et esquissent un mouvement discret de réconciliation. Kawabata tente ainsi de dire la Nature, mais fugitive encore : les paysages, les rituels et la gravité du Japon d’autrefois dans "lequel baigne l’air lumineux des alentours, comme s’il avait lentement séché".

Sans doute les Récits de la paume de la main ne se donnent pas en terme de plénitude ni de totalité, mais dans l’exigence d’une forme volatile à restituer. Le texte oscille entre ces deux bornes : le bonheur du poème, du paysage d’une lecture réactivable à chaque instant – ici et maintenant, "le regard d’une beauté et d’une pureté comme il n’en existe nulle part au monde", et la tristesse du roman qui n’est que l’ombre d’une nature. D’où cette mélancolie qui naît du spectacle de ce que nul ne pourra jamais étreindre. Les récits de la paume de la main célèbrent une étreinte paradoxale, un bonheur ambigu, inquiétant presque puisque parcouru par le sentiment de l’absence : "Tout m’était désormais indifférent. J’avais envie de m’allonger par terre et de respirer le bleu du ciel. La Vie se perd dans l’oubli". "Montrez-moi votre âme en la posant sur la paume de ma main. Telle une boule de cristal. Et moi, je la dessinerai avec mes mots"…


Olivier Secardin
( Mis en ligne le 02/04/2001 )
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