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Comment fait-on un Français ?
Un entretien avec Patrick Weil - auteur de Qu'est-ce qu'un français ?
2002 /  2.28 € -
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Paru.com : Quelle est l’origine de ce livre ? Pourquoi avoir choisi un tel sujet après La France et ses étrangers (1991) ?

Patrick Weil : J’avais décidé, après mon premier livre, de m’intéresser aux ordonnances de 1945, constitutives de la législation contemporaine de l’immigration et de la naturalisation. Après avoir traité de celle du 2 novembre 1945 consacrée à l’immigration, j’ai obtenu de consulter les archives du ministère de la Justice consacrées à l’ordonnance sur la nationalité et j’y ai trouvé à cette occasion des documents inédits sur Vichy. Parallèlement, je me suis intéressé au droit allemand de la nationalité. Je voulais voir s’il n’y avait pas une influence française sur la législation prussienne. En cherchant avec ténacité, mon assistant allemand a trouvé, dans les débats du Conseil d’Etat prussien, ce moment clef où il décide de suivre le code civil français et non la législation autrichienne sur la nationalité. Le droit prussien n’était donc pas la traduction d’une conception germanique de la nation ! A partir de ces deux découvertes, j’ai décidé de travailler sur une histoire de la nationalité française. J’ai lu de nombreux travaux scientifiques et j’ai mis un certain temps à comprendre que ceux-ci étaient souvent inutilisables car fondés sur des sources secondaires et des interprétations souvent inexactes. Ceci m’a décidé à mettre de côté un projet consacré à une analyse comparée des politiques d’immigration entre les Etats-Unis et l’Europe et à partir à la recherche d’archives qui me permettent de reconstituer de première main cette histoire.

Paru.com : L’on voit avec surprise en vous lisant que le point de départ du droit moderne de la nationalité repose sur le Code civil de 1803, mais résulte d’une forte opposition entre Napoléon et un juriste, Tronchet, qui parvient à imposer ses vues à l’Empereur. Il y a donc dès les origines un débat.

Patrick Weil : En fait le débat est complexe : Napoléon était pour une association de jus sanguinis et de jus soli car il voulait faire le plus grand nombre de Français par tous les moyens, alors que Tronchet défendait le jus sanguinis. Les juristes de l’époque étaient très imprégnés du droit romain dont ils pensaient que le jus sanguinis découlait. Par ailleurs, Siéyès était également partisan du jus sanguinis mais pour d’autres raisons : il pensait que la nation était comme une famille et que c’était elle et non plus l’Etat qui devait déterminer l’appartenance des Français. Il ne s’agissait donc pas d’un jus sanguinis "ethnique" comme on le croit encore aujourd’hui. Désormais, à partir de 1803 la nationalité se transmettait comme le nom de famille, par le père. L’alliance de ces deux courants, les juristes et les révolutionnaires qui ont voulu rompre avec l’approche féodale, mais aussi la ténacité propre d’un individu, Tronchet, ont donc permis, avec l’aide de Cambacérès, de l’emporter sur Napoléon.

Paru.com : Jusqu’à la loi de 1889 qui instaure le jus soli, cette question est sans cesse débattue. Y a-t-il pour autant politisation du débat sur la nationalité?

Patrick Weil : C’est incontestablement un enjeu. D’abord dans le domaine des naturalisations. Crémieux en 1848-1849 naturalise 2000 étrangers et il est très critiqué. C’est en 1849, sous la Deuxième République – qui ressemble dans la structure de pouvoir à notre Cinquième République - qu’a lieu un grand débat sur la naturalisation. Il porte sur la question de savoir quel est le pouvoir – le législatif ou l’exécutif – qui doit disposer du droit de naturaliser. La droite est pour l’exécutif, la gauche pour le législatif : finalement la droite l’emporte mais la gauche obtient le pouvoir pour le législatif de déterminer quels sont les naturalisés qui auront le droit d’être élus au parlement. En ce qui concerne l’attribution de la nationalité à la naissance, rien ne bouge fondamentalement avant 1889. D’abord en raison de la sacralisation du Code civil et donc du jus sanguinis. Ainsi un membre du Conseil d’Etat comme Camille Sée, alsacien, juif, laïc et patriote pense à réformer en 1886 le Code en renforçant le jus sanguinis par fidélité à ce code et non bien sûr en raison d’une vision ethnique de la nation.

Paru.com : Quelle est l’influence du Code civil, notamment en matière de nationalité, en Europe ?

Patrick Weil : Mis à part la Prusse, il y a l’Espagne, l’Italie, la Belgique et la Hollande, la Russie, la Suède toute l’Europe continentale, sauf deux pays où il y a une influence britannique, le Danemark et le Portugal. Le Code civil a ainsi diffusé, mais pas seulement, dans toute l’Europe qui a subi l’occupation française sous Napoléon.

Paru.com : Quels sont les faits majeurs qui amènent à la loi de 1889, réformant les dispositions du Code civil ?

Patrick Weil : Il y a, je crois, deux éléments : le désir de faire respecter l’égalité des devoirs et d’autre part le caractère de plus en plus massif de l’immigration. Les enfants d’étrangers nés en France ne sont pas Français et échappent ainsi à la conscription. Du coup, ils restent au village, sont promus plus rapidement professionnellement, plus rapidement que les Français de leur âge, et - comme le dit un parlementaire du Nord - épousent les plus jolies filles. Eu égard au service militaire, il faut donc rétablir l’égalité des devoirs. En outre, une nouvelle immigration s’est développée : il y a désormais des villes, dans le Nord notamment, où le nombre d’étrangers et majoritaire. Enfin en Algérie, il y a le risque que le nombre d’Italiens et d’Espagnols l’emporte bientôt sur celui des Français.

Paru.com : Est-ce qu’après 1889, le débat se politise nettement ou est-ce qu’il reste technique ?

Patrick Weil : En 1889, il y a sans aucun doute une défaite de la gauche sur la naturalisation car la loi votée favorise l’acquisition de la nationalité française pour les deuxième et troisième générations mais pas pour la première, pour les immigrés de fraîche date. La gauche est battue là-dessus. C’est en fait la loi de 1927 qui favorise la naturalisation. Or cette loi est votée très tardivement, car Clemenceau l’esquisse dès 1919. Ce retard est dû à la complexité des majorités sous la Troisième République. Il y a eu à cet égard un certain génie négociateur de Barthou et d’Honorat pour trouver une majorité qui a voté une loi libérale fruit d’un compromis.

Paru.com : Quand intervient le souci démographique, le constat du vieillissement dans l’évolution du droit de la nationalité ?

Patrick Weil : Le souci pointe en 1889 mais il devient majeur pour expliquer la loi de 1927. C’est un souci "populationiste" et non "nataliste", c’est-à-dire que l’on conçoit le renforcement de la population de la France, grâce à l’apport des étrangers.

Paru.com : On est étonné de la discrétion des socialistes, syndicalistes et communistes sur les questions de nationalité.

Patrick Weil : Les socialistes et les communistes ne sont pas à l’origine du droit français de la nationalité mais ils interviennent lors des grands débats. Dans les années 1920, les communistes sont, par exemple, contre le principe de déchéance de la nationalité, même contrôlée par le juge. Marius Moutet, socialiste, aidé par Clemenceau, intervient pour faciliter la naturalisation des musulmans d’Algérie. Le sujet est éminemment sensible et il rencontre beaucoup d’oppositions.

Paru.com : Les "crises ethniques" du XXe siècle sont-elles le résultat de l’ouverture de la loi de 1927 ?

Patrick Weil : Il y a là encore plusieurs éléments. La première manifestation de ce que j’appelle dans mon livre la « crise ethnique » dans les années 1930 est le fruit compliqué de la poussée d’immigration, de la crise économique, de la montée des théories raciales ou eugénistes qui influencent le système américain des quotas, puis du "modèle" hitlérien. Car il est des spécialistes comme Mauco et Darquier de Pellepoix qui voient un modèle dans ce qui se passe en Allemagne dans les années 1930.

Paru.com : Est-ce que la matière du droit de la nationalité, qui est extrêmement technique, ne limite pas la politisation des débats au XXe siècle ?

Paru.com : Non, car il y a un certain nombre de parlementaires qui se spécialisent sur ces questions et d’autre part l’opinion, la presse notamment, j’en cite plusieurs exemples, se saisissent du débat. La question des étrangers est une grande question. Il y a beaucoup d’étrangers en France et l’on voit ainsi les représentants des professions libérales, avocats et médecins, s’opposer aux naturalisations de leurs confrères allemands. Et c’est à ce moment-là que la France qui, depuis le temps des rois jusqu’alors, a volontiers accepté les étrangers qualifiés va inverser sa politique sous l’influence de gens comme Mauco et développer l’idée que l’on peut naturaliser des étrangers peu qualifiés mais que les élites professionnelles doivent demeurer françaises. C’est une politique qui a encore des résonances aujourd’hui.

Paru.com : Est-ce que Vichy n’a pas essayé de trouver une voie moyenne raciste entre une perspective racialiste et une perspective nazie ? Vous montrez que les Allemands mettent leur veto au projet de réforme de la nationalité.

Patrick Weil : Les choses se présentent très différemment. Il y a au sein de Vichy une bataille entre deux courants, un courant raciste et un courant restrictionniste. La bataille est gagnée par les racistes dans les deux domaines où Vichy a une autorité directe, les naturalisations et les dénaturalisations. Mais ils perdent la bataille dans le domaine très technique du droit de la nationalité où l’on voit, assez curieusement, les services du ministère de la Justice résister aux offensives racistes du ministère de l’Intérieur, du ministère des Affaires étrangères, du Conseil d’Etat et du Commissariat général aux questions juives. Mais le projet restrictionniste fera l’objet d’un veto de Berlin. Ce n’est pas Vichy qui choisit : il y a plusieurs courants dont l’interaction produit le ciblage des Juifs pour les dénaturalisations et, pour la nationalité, la politique de quelques magistrats dont certains sont résistants.

Paru.com : Comment peut-on expliquer les crises racialistes ou ethniques de certains modérés ou libéraux, comme François de Menthon à la Libération ou Valéry Giscard d’Estaing dans les années 1970 et 1990 ?

Patrick Weil : En effet, Menthon entend en 1945 maintenir les lois de dénaturalisation de Vichy, malgré l’opposition de René Cassin, vice-président du Conseil d’Etat. C’est difficilement explicable si ce n’est par un antisémitisme diffus dans les élites, qu’elles soient vichystes ou résistantes. Il y avait également l’idée chez certains résistants qu’il fallait, en 1945, rompre avec la Troisième République, autant si ce n’est plus qu’avec Vichy. En revanche pour Giscard d’Estaing, je serai plus net. Il est dans le domaine de l’immigration, ses actes le montrent, le père intellectuel de Jean-Marie Le Pen. Il a cherché à faire repartir par la force, 500 000 immigrés algériens en cinq ans, alors qu’ils étaient en situation régulière. Il a échoué et quelques années plus tard, Le Pen a repris cette démarche dans son programme. Après cet échec, Giscard d’Estaing essaie de les empêcher de devenir Français. Il propose de supprimer le jus soli. Il le fait en 1991, quand la droite s’est déjà rassemblée autour du projet de compromis trouvé par Marceau Long. Là il suit Jean-Marie Le Pen en envoyant clairement un signal au Front national. Mais peut-être y a-t-il aussi une inspiration familiale : son grand-père, Jacques Bardoux, député du Puy-de-Dôme, proposait l’instauration d’un droit du sang strict à toutes les ouvertures de sessions parlementaires, depuis son projet de constitution pour Vichy jusqu’en 1951.

Paru.com : Cet ouvrage semble clore une première période de vos travaux, consacrés aux politiques d’immigration et au droit de la nationalité. Quels sont vos projets ?

Patrick Weil : Je n’ai pas de projets précis. Je crois beaucoup aux rencontres fortuites, aux hasards de la recherche, dont ce livre est un peu un exemple. Ce travail de huit années m’a, à vrai dire, un peu vidé. J’attend de me ressourcer. Mais je m’intéresse pour l’instant aux relations entre histoire, traumatisme et mémoire. Je laisse tout ceci mûrir en moi.


Propos recueillis par Sébastien Laurent
( Mis en ligne le 14/04/2002 )
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