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Histoire & sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

La Grande Guerre des Juifs de France
Philippe-E.  Landau   Les Juifs de France et la Grande Guerre. - Un patriotisme républicain 1914-1941
CNRS éditions 1999 /  3.73 € -  24.43 ffr. / 293 pages
ISBN : 2-271-05662-4
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L'historiographie du judaïsme français jusqu'aux années 1970 a fait de la Révolution une période magnifiée, éclipsant de nombreux événements ultérieurs pourtant importants pour l'histoire du judaïsme. La période révolutionnaire a ainsi été survalorisée par les premiers historiens français du judaïsme et la mémoire de cette époque a longtemps trouvé des échos dans les sermons rabbiniques et dans les écrits des intellectuels juifs laïcs.

Depuis une trentaine d'années, bien des travaux ont contribué à montrer la fragilité et l'inachèvement de l'émancipation sous la Révolution. Ils ont également permis la remise en question du comportement des institutions représentatives du judaïsme, lors de l'Affaire Dreyfus ou sous l'Occupation. Dans un registre proche, l'étude de l'opinion française lors de l'Affaire Dreyfus a fait apparaître un antisémitisme largement partagé dans toutes les couches de la population et sur l'ensemble du territoire. L'intégration des juifs dans la société française fut alors violemment remise en question. Il apparaissait donc parfaitement justifié de s'interroger, comme l'a fait Philippe Landau sur les "juifs de France et la Grande Guerre". L'auteur, conservateur des archives du Consistoire Central de Paris, a choisi ce thème comme sujet de sa thèse de doctorat, publiée récemment par les éditions du C.N.R.S.

La Première Guerre mondiale constitua indéniablement pour une partie importante des catholiques - laïcs et clergé - le second et définitif ralliement à la République : dans cette optique, le fait de se pencher sur l'attitude d'une communauté religieuse minoritaire, longtemps marginalisée, était nécessaire. Avec ce livre, Philippe Landau s'inscrit dans la lignée des travaux de Pierre Birnbaum et de Michaël R. Marrus qui se sont attachés à montrer l'attachement patriotique sans failles des juifs de France depuis la Révolution. En refermant ce livre, on peut se demander toutefois ce qu'il apporte de vraiment nouveau sur ce sujet. L'auteur montre en effet que les juifs de France participèrent activement à l'union sacrée, ce qui n'avait jamais été contesté : 16 000 "juifs de souche" furent mobilisés ou s'engagèrent ainsi que 13 000 juifs algériens et plusieurs milliers d'origine étrangère (en majorité issus d'Europe centrale et orientale ainsi que de l'Empire Ottoman). A bien des égards, et l'on ne saurait en faire reproche à l'auteur, celui-ci a confirmé sur la base d'archives ce que l'on supposait. Catholiques, juifs et protestants, qu'ils soient issus du monde rural, de la classe moyenne ou de la bourgeoisie ont tous également participé, en première ligne, au conflit.

L'auteur montre que les juifs français, comme la majeure partie de leurs concitoyens, s'engagèrent sans réserves dans le combat contre l'envahisseur allemand. Le philosophe Henri Bergson prononça en août 1914 devant ses confrères de l'Académie des sciences morales et politiques, une phrase demeurée fameuse qui devint le leitmotiv du discours officiel des autorités et de la presse : "La lutte engagée contre l'Allemagne est la lutte même de la civilisation contre la barbarie". Sur 40 000 combattants juifs, 7 500 d'entre eux furent tués et 3 800 reçurent des citations militaires : les juifs de France devinrent l'une des "familles spirituelles" évoquées par Maurice Barrès durant le conflit. Le rabbinat français rompit avec le rabbinat allemand, le yiddish fut banni et la participation à l'union sacrée ne fut pas entamée par l'alliance avec la Russie pogromiste.

L'étude des sermons rabbiniques au cours du conflit faite par Philippe Landau est particulièrement utile et montre la fusion des idées religieuses avec les idéaux émancipateurs révolutionnaires. Dans cet état d'esprit, certains combats comme la bataille de la Marne furent interprétés dans un sens providentialiste mêlant références historiques et bibliques. La participation du Président de la République, Raymond Poincaré, en mai 1916 à une cérémonie religieuse à la synagogue de la rue des victoires - fait sans précédent - scella symboliquement la reconnaissance du sacrifice des citoyens français de confession juive. Les comparaisons avec la situation des juifs allemands qui émaillent l'ouvrage sont très intéressantes et mettent mieux en valeur leur intégration en France, à l'arrière comme au front.

Les lecteurs non initiés à la connaissance du judaïsme français du début du siècle, découvriront à la lecture du livre de Philippe Landau la diversité de cette communauté pour laquelle la dimension religieuse n'était pas toujours un facteur d'identité majeur. Des juifs barrésiens aux sionistes - très minoritaires à cette époque - en passant par les socialistes, l'identité juive reposait avant tout sur une même mémoire faite du souvenir des exclusions et des discriminations subies jusqu'à une époque très récente.

L'auteur montre bien - mais trop allusivement - que le rabbinat se réjouit dès 1914 d'un retour à la pratique religieuse. Ce constat fait également par le clergé des autres religions abrahamiques eût mérité d'être creusé : en effet, il eût permis de faire la part de la dimension religieuse et de la dimension mémorielle dans la définition de l'identité juive à cette époque. Tout au long du livre, P. Landau postule implicitement l'unicité et la singularité du comportement des juifs au cours de la guerre, sans jamais s'expliquer sur ce choix de départ. Le chapitre sur les intellectuels est à cet égard caractéristique et l'auteur paraît avoir nettement surévalué l'attachement de certains d'entre-eux à la communauté juive. Les Ecrits de guerre de Marc Bloch récemment réédités (Colin, 1997), montrent que celui-ci, profondément laïcisé, ne songeait jamais à sa judéité.

On formulera une autre réserve à l'égard de cet ouvrage traitant majoritairement des institutions et des associations juives, du rabbinat, en un mot de l'élite de la communauté : il oublie les individus et les anonymes qui en forment la plus grande partie. Pourtant, Michael Graetz (non mentionné dans la bibliographie) avait ouvert la voie il y a une dizaine d'années à une approche nouvelle de la société juive distinguant le "centre" consistorial de la "périphérie" laïcisée (Les Juifs en France au XIXe siècle. De la Révolution française à l'alliance israélite universelle, Seuil, 1989).

L'histoire culturelle de la guerre a été profondément renouvelée ces dernières années par des études portant sur la notion de "culture de guerre" et de "brutalisation" des individus et des sociétés au cours du conflit. Cette dimension est absente de l'ouvrage, de même que l'évocation de l'individu en situation de combat : jamais les mobilisés ou engagés juifs ne sont étudiés l'arme à la main, face à l'ennemi. Peut-être, n'y avait-il pas lieu de le faire pour le cas des combattants juifs mais cela aurait du être expliqué, de même que le choix d'une approche institutionnelle du judaïsme français eût pu être justifiée. Ce parti pris trouve son origine dans un choix de sources qui ne paraît pas toujours pertinent : les nombreux périodiques juifs de l'époque et les écrits des institutions représentatives sont privilégiés au détriment des sources individuelles - journaux personnels et correspondances - pourtant aujourd'hui largement accessibles aux chercheurs.

L'auteur emploie dès la dixième page un terme nouveau - "l'israélitisme" - pour caractériser le patriotisme républicain des juifs de France : P. Landau entend ainsi évoquer l'attachement des juifs français à la patrie et leur espoir sans cesse approfondi d'une intégration pleine et entière à la Nation française. Le livre et plus largement la connaissance du judaïsme de cette époque, gagnent-ils à l'emploi de ce néologisme? Pourquoi employer un tel terme, dont l'origine n'est jamais expliquée ? "L'israélitisme" n'est en effet rien d'autre que le "franco-judaïsme", doctrine forgée dès les années 1820 et qui n'a cessé jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale de connaître un approfondissement. Philippe Landau montre en définitive que la Grande Guerre fut une étape fondamentale dans l'intégration des juifs à la société française, sans indiquer en quoi "l'israélitisme" diffère du "franco-judaïsme".

La partie la plus intéressante de l'ouvrage est la troisième et dernière partie qui porte sur la mémoire de la guerre. En effet, le livre de Philippe Landau commence en 1914 et s'achève en 1940. Sur le modèle de la magnifique thèse d'Antoine Prost (Les Anciens combattants et la société française, Presses de la FNSP, 1977), Philippe Landau s'interroge sur le rôle des anciens combattants juifs au sein de la communauté juive après la guerre. A cette occasion, il soulève une question importante (p. 177) : dans quelle mesure la mémoire de l'engagement des juifs de France a pu peser sur le particularisme de cette communauté religieuse au moment où achève de se forger dans le souvenir du sacrifice une mémoire nationale républicaine etuniversaliste ? L'auteur répond en montrant que la célébration de la mémoire du sacrifice des juifs eut un double objectif : rappeler l'intégration définitive des juifs dans la société française à l'occasion de la guerre et lutter à partir des années 1930 contre un antisémitisme renaissant. Dans ce dernier combat, les engagés volontaires d'origines étrangères, se sont montrés particulièrement actifs. Maintenant des liens familiaux et linguistiques avec la vague d'immigrés juifs venus d'Europe au cours de l'entre-deux-guerres, ils furent plus sensibles à l'ampleur et à la nature des manifestations antisémites en France comme en Europe, moins imprégnés "d'israélitisme" que les juifs de souche. Là encore, mais ce n'est pas vraiment nouveau, l'auteur montre que ces derniers réagirent - comme au moment de l'Affaire Dreyfus - avec une grande prudence à l'égard des manifestations antisémites dans la société française.

Le souvenir de la Grande Guerre fut durablement entretenu et se nourrit de mythes inattendus: à cet égard le chapitre consacré à la légende de la mort du grand rabbin de Lyon, Abraham Bloch est très éclairant. Celui-ci, rabbin aux armées, fut tué en août 1914, certains témoins prétendant l'avoir vu, quelques instants avant sa mort tendre un crucifix à un soldat catholique agonisant. P. Landau en reconstituant l'histoire des différents récits montre que la réalité de cette fin digne d'une image d'Epinal, est loin d'être avérée mais qu'elle devint - célébrée aussitôt par Barrès - la version officielle du rabbinat et des institutions consistoriales qui trouvaient ainsi un symbole précoce et très évocateur de la participation des juifs de France au sacrifice national. En arrêtant son étude en 1940, l'auteur laisse entrevoir que par la suite le souvenir et la mémoire de la Shoah submergèrent ceux de la Grande Guerre.


Sébastien Laurent
( Mis en ligne le 10/12/1999 )
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