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Histoire & sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Histoire ou militantisme ?
Maurice  Rajsfus   La Censure militaire et policière
Le Cherche Midi - Documents 1999 /  2.75 € -  18.02 ffr. / 259 pages
ISBN : 2-86274-671-1
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La dédicace de l'auteur est-elle en forme d'avertissement au lecteur : "Pour François Maspero, victime (habituelle) de la censure sous l'ère Marcellin" ? Que l'histoire de l'écrit et de la pensée se confonde, de la Bible aux Larmes d'Eros de Bataille, à la censure n'étonnera guère les historiens tant elle se confond avec celle des libertés. Mais il y a loin, de la thèse libertaire de la confiscation des libertés dans la relation du citoyen à l'Etat républicain, à la compréhension de la censure politique en 1914-1918 .

La guerre de 1914-1918 est une étape cruciale et originale de la mise en oeuvre des politiques d'encadrement des opinions au XXe siècle. A oublier, sinon nier, l'idée que les sciences sociales et humaines datent et situent l'objet de leur étude dans un contexte, on expose son analyse aux travers de l'anachronisme ou du contresens : l'ouvrage de Maurice Rajsfus n'échappe pas à ce danger. Il postule la thèse de la confiscation des libertés et de l'écrasement de l'individu par l'Etat moderne dont la guerre accélèrerait le cours. La thèse de la censure politique mise en oeuvre par les deux institutions répressives que seraient l'armée et la police est donc conduite, sans que toutes les pièces de l'accusation ne soient d'ailleurs examinées, pour peu qu'on en retienne le postulat.

En réalité, la censure militaire par les commissions de contrôle de presse des régions militaires françaises, celle de la préfecture de police de Paris pour les spectacles de cabaret, music-halls et théâtre, la surveillance par le contrôle postal ne résument pas, loin s'en faut, la censure mise en place en 1914. L'auteur méconnaît l'histoire du bureau de la presse du ministère de la Guerre, chargé de mettre en oeuvre la censure. Or, si celui-ci établit une censure politique, elle n'a rien d'antidémocratique. Interdire les écrits et les paroles antipatriotiques d'instituteurs pacifistes, à l'instar des Mayoux en 1916-1917, procède d'une politique d'encadrement de l'opinion publique dans une guerre longue où celle-ci participe de la victoire.

Quatre points doivent être réfutés. Confondant, ou plutôt réunissant dans une même réprobation, la censure des informations de Vichy, la censure militaire de la guerre d'Algérie, l'auteur postule l'idée que celle-ci est entre les mains de l'armée, obsédée par le pacifisme, tout au long du XXe siècle. Or, la censure de la Grande Guerre, pas plus qu'elle n'est l'héritière de la censure académique, des moeurs et de la pensée politique du XIXe siècle, n'est la devancière de celle de 1940-1944, des années algériennes ou des débuts de la Ve République (on pensera au théâtre censuré sous de Gaulle. Cf. Pascal Ory (dir.), La Censure en France, Complexe, 1997). Car elle est sous contrôle politique des gouvernements, ceux-ci établissant, jusqu'en conseil des ministres, des consignes de censure touchant à toute l'information .

Ces consignes de censure, permanentes ou temporaires, visent à établir un "système d'informations" - formule du député de l'Aube Paul Meunier en janvier 1916, entendant par là "un système d'informations retardées ou retenues pour le communiqué et la presse" - reliant censures et propagandes avec l'objectif d'encadrer et façonner l'opinion publique française. La censure est bien tournée vers l'intérieur du pays autant que vers l'extérieur (l'adversaire mais aussi ses propres alliés), non pour confisquer la démocratie, mais pour que l'opinion tienne dans une guerre dont la fin n'apparaît pas aux contemporains.

Ces consignes reposent dans les 200 registres de censure conservés par la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine à Nanterre. Ces registres démontrent que l'établissement des consignes n'est pas le fait des seuls militaires, qui obéissent aux ordres du ministre de la Guerre et non au Grand Quartier Général dont la section d'information n'a pas en charge la responsabilité de la censure. Il suffit de lire les carnets inédits du commandant de Galbert, officier d'ordonnance puis adjoint du généralissime de 1913 à juin 1916, pour se rendre compte que l'outil échappe à Joffre qui s'en plaint amèrement, ou ceux du colonel Herbillon, officier de liaison entre le GQG et le gouvernement ainsi qu'avec la présidence de la République pour s'en rendre compte. A l'autre bout de la chaîne hiérarchique, la censure, hors de la zone des armées où elle est effectivement prise en charge par l'autorité militaire, est appliquée sous contrôle du préfet, pour le ministère de l'Intérieur, et par le commandant d'armes, dans les petites commissions de contrôle de presse des région militaires. Les militaires ne sont donc pas, de fait, les seuls censeurs, ni ceux prépondérants dans la conception et l'exécution de la censure.

La présentation caricaturale des censeurs, dans le troisième chapitre du livre, doit être rejetée. La consultation des seules archives de la préfecture de police de Paris et de quelques cartons du Service historique de l'armée de Terre, ne sauraient suffire à les découvrir. Plus de 5000 censeurs et non 1000 (p. 58) pour la guerre dans les 400 commissions de contrôle de presse des régions militaires, dont la majorité proviennent des notabilités sociales, des compétences de la Cité, bref des élites républicaines, plus de 500 censeurs passés au bureau de la presse à Paris, de quelques semaines pour une convalescence après blessure, à quelques années, ne sont ni des "embusqués" ni des "pères Fouettard" (p. 69).

L'auteur ne distingue pas les censeurs du bureau de la presse pour les télégrammes, les quotidiens, les périodiques et les livres, de ceux de province pour la presse régionale. A Paris, ce sont au contraire des avocats, des écrivains, des hommes publics, des écrivains, qui prennent en charge et assument, dès août 1914, une censure qui est d'abord un dispositif de l'union sacrée. Parfois des noms célèbres comme Victor Margueritte, Apollinaire, André Billy, des politiques qui montent après-guerre comme Léon Baréty, Ernest Pezet...

En outre, ces censeurs ne sont pas des "électrons libres" (p. 23). Syndicats de presse - à l'exception de l'Association de la presse républicaine et départementale pour des raisons d'ailleurs plus commerciales qu'idéologiques - associations de presse, directeurs de journaux, "grands journalistes" la revendiquent et l'assument. Il y a donc compromis, accord, sinon connivence, entre les autorités et les censeurs, par volonté du gouvernement, simplement parce que la presse est une arme dans la guerre totale. C'est pourquoi la censure est appliquée a priori pour éviter des sanctions a posteriori en engageant l'action judiciaire. C'est aussi pourquoi cette censure n'eut jamais, malgré la pression parlementaire jusqu'au printemps 1916, de base légale. La censure pour la victoire à Verdun et dans la bataille de la Somme plutôt que les indiscrétions avec la garantie de la liberté d'expression et, peut-être, la défaite: le dilemme est tranché dans la classe politique au printemps 1916, sauf dans les rangs des socialistes minoritaires.

En effet, s'il y a censure politique et idéologique pendant la guerre, c'est d'abord une censure interne aux formations partisanes, à l'exemple du parti socialiste, travaillé par sa minorité partisane, dès 1915 autour des fédérations de l'Isère, de la Vienne, du Rhône... La consultation des seuls cartons de la préfecture de police de Paris fausse ici la lecture, précisément car ils surveillent les groupuscules parisiens, les partisans du débat sur la paix, sur la reprise des relations internationales (CRRI). Outre le fait que la thèse de Jean-Louis Robert sur [Les Ouvriers, la Patrie, la Révolution. Paris 1914-1919] (1989, publiée en 1995) n'a pas été utilisée, toute l'histoire du parti socialiste est passée sous silence au profit de quelques biographies de militants pacifistes et anarchistes. Les travaux des 20 dernières années sur l'histoire du socialisme sont ignorés. Les archives sont trop souvent citées sans critique interne et externe. L'auteur omet l'idée que, précisément, la guerre fait fondre les clivages habituels et interdit de penser la censure en fonction des catégories partisanes.

Plus grave encore nous apparaît la méconnaissance de la presse dans la guerre et de la censure réelle qu'elle endurerait. Non, les colonnes blanchies n'apparaissent pas dans les journaux d'information et d'opinion dès le 2 août 1914 (p. 23). C'est au début du mois de septembre que les premiers blancs frappent la presse d'opinion à petit tirage, plus rarement la presse d'information, car les deux se sont ralliés à la guerre contre la barbarie, pour le droit : c'est oublier l'unanimité patriotique de la presse, ce qui lui valut bien des déboires et des déconsidérations par la suite, qu'elle ait ou non versée dans le bourrage de crâne... Non l'édition n'a pas été frappée par une censure implacable qu'on peut, par ailleurs, entrevoir dans les registres de censure des périodiques de la BDIC (F 270 Rés. SPE, 11 registres de janvier 1915 à octobre 1919). Si la censure dans l'édition littéraire échappe à l'historien par défaut d'archives (pp. 175-177), pourquoi consacrer un développement à une question qui ne peut être traitée ? En outre, certaines maisons d'édition, à l'instar d'Ollendorf, Albin Michel et Berger-Levrault, ont été plus touchées que d'autres. Les manuscrits échoppés sont peu nombreux : les tractations entre censeurs, éditeurs et écrivains sont plus nombreuses qu'on ne croit, et rares furent les manuscrits interdits (Henri Barbusse, Marcelle Capy). Pourquoi Le Feu de Barbusse, Gaspard de R. Benjamin passent-t-ils, par exemple, sans censure ? Le chapitre déçoit car il ne traite pas le sujet.

Au total, la bibliographie accuse trente ans de retard et méconnaît la littérature sur l'histoire de l'opinion publique. L'archive, sans critique interne ni externe, est utilisée indifféremment de sa nature, de son statut et de sa relativité. En définitive, ce livre dessert plus qu'il n'enrichit la connaissance de la Grande Guerre par ses raccourcis et ses prises de position par trop engagées.


Olivier Forcade
( Mis en ligne le 10/08/2001 )
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