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Histoire & sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Paris et Londres se regardent
Claire  Hancock   Paris et Londres au XIXe siècle - Représentations dans les guides et récits de voyage
CNRS éditions - Espaces & milieux 2003 /  5.65 € -  37 ffr. / 357 pages
ISBN :  2-271-06132-6
FORMAT : 17x24 cm

L'auteur du compte rendu: maître de conférences en Histoire contemporaine à l'université de Paris-I, Sylvain Venayre a récemment publié La Gloire de l'aventure. Genèse d'une mystique moderne.
1850-1940
(Aubier, 2002).

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Ce livre paru aux éditions du CNRS est issu d’une thèse soutenue en 1997 sous la direction du professeur Paul Claval, dans le domaine frondeur, et pourtant en plein essor aujourd’hui, de la géographie culturelle. Frondeur, le livre l’est ici par l’objet même qu’il étudie : les guides de voyage du XIXe siècle — en fait, de la période 1800-1870. On sait, en effet, dans quelle estime les géographes tiennent en général les productions destinées aux touristes ; et la géographie du tourisme elle-même fait assez peu cas de ce matériel. Tel n’est pas le point de vue de Claire Hancock.

Les deux premiers tiers du XIXe siècle sont encore très loin de relever du tourisme de masse de la seconde moitié du XXe siècle, en dépit de la création de la première agence de voyage par le Britannique Cook en 1841. Aussi le corpus utilisé par Claire Hancock n’a-t-il pas l’unité qu’ont désormais acquise des guides que l’on produit en quantité industrielle. Au contraire, le guide de voyage qui s’invente au XIXe siècle peine à se distinguer du récit de voyage et Claire Hancock prend bien soin de souligner, dans son introduction, à quel point il eût été illusoire de vouloir isoler d’authentiques guides destinés à d’authentiques touristes, à une époque où ces représentations étaient précisément en train de cristalliser.

Claire Hancock a choisi comme objet les guides et récits de voyage à Londres et à Paris. Choix judicieux, puisqu’il induit une comparaison entre deux villes que l’on compare effectivement beaucoup à l’époque ; et pour de bonnes raisons, l’augmentation considérable de la taille des deux villes, la modernité du développement de leurs urbanismes s’accompagnant de différences remarquables dans l’utilisation de l’espace de la ville — différences qui n’échappaient pas aux contemporains, lesquels les soulignaient volontiers en cette époque où l’affirmation des identités nationales passait par un rejet de la figure de l’étranger. Un Français parlant de Londres parlait de Paris ; un Anglais décrivant Paris décrivait Londres. Choix ambigu néanmoins, dans la mesure où le volume des récits est très dissemblable : si le voyage à Paris s’inscrit dans la logique culturelle des élites britanniques, il n’en va pas de même des Français, pour lesquels la référence fondamentale en matière de récit de voyage est d’abord italienne.

Cela dit, le corpus réuni est très volumineux et, surtout, il a l’immense mérite d’être bilingue. Claire Hancock développe ainsi, non seulement de très intéressantes analyses sur ce que peuvent signifier le home, le comfort pour les Français et les Anglais, ou les différences existant entre le «Cockney» et le «Parisien», mais donne également plus de poids aux stéréotypes qu’elle met en évidence, lorsqu’elle constate que ceux-ci se retrouvent non seulement dans une culture nationale donnée, mais peut-être bien davantage dans le genre du récit ou du guide lui-même, c’est-à-dire dans les impératifs liés à la restitution littéraire de l’expérience du voyage.

Il est impossible de résumer l’ensemble des conclusions de ce livre riche. Quelques-unes frappent, néanmoins, qu’on peut évoquer brièvement. D’abord, la déconnexion presque totale entre ce discours particulier sur la ville qu’est le guide ou récit de voyage et cet autre discours, proliférant au XIXe siècle, qui est constitué par les enquêtes sociales. Les angoisses que fixe la grande ville du XIXe siècle, concernant la maladie, le crime, la dépravation des mœurs, la perte de la foi, etc., n’y rencontrent presque aucun écho. Certes, ces récits et ces guides envisagent rarement les «terrae incognitae» de l’East End ou du faubourg Saint-Antoine (Claire Hancock le montre remarquablement à l’aide de deux schémas de synthèse présentant le Londres et le Paris touristiques). Les quartiers attractifs, ceux que l’on décrit, sont ceux de l’Ouest, plus beaux et plus sûrs, qui entrent de plain-pied dans la modernité urbaine. Les guides de voyage, pourrait-on ajouter, même en leurs balbutiements, ne répondraient pas non plus tout-à-fait à leurs objectifs s’ils décrivaient des villes hantées de criminels et de prostituées...

Autre conclusion remarquable, parce que née de l’étude de bien des aspects de ce discours sur la ville : la mise en évidence de l’image d’un Londres du dedans, aux rues tristes et monotones mais aux «confortables» homes, contre celle d’un Paris aux façades brillantes et aux cafés enjoués, masquant des appartements sinistres. Cette opposition se décline de multiples façons, le peuple anglais s’assimilant tout entier à une vie intérieure, dans laquelle les Français reconnaissent la marque d’un puritanisme excessif, quand le peuple français s’associe aux espaces publics — les Britanniques y reconnaissant alors la marque d’une impudeur bien française. Dans le même ordre d’idées, bien des lectures politiques furent faites des urbanismes londonien et parisien. La fermeture des squares à Londres, par exemple, scandalise de nombreux voyageurs français qui l’opposent à la riante égalité des places françaises ; à l’inverse, l’existence de fortifications à Paris représente aux yeux des Anglais la marque du despotisme français. Etc...

Peu d’évolutions notables également, dans ce discours — et cela frappe d’autant plus qu’on sait les profondes modifications qui affectèrent Londres et surtout Paris entre 1800 et 1870. Ces textes ne s’en font guère l’écho. Au contraire, et c’est une conclusion très remarquable de Claire Hancock : le discours sur les transformations de Paris dans les années 1860 est déjà en place lors les constructions effectuées par la Monarchie de Juillet dans les années 1830. Il en va de même de l’idée d’un Paris-théâtre lié à l’haussmannisation : de telles notations abondent vingt ans auparavant... Tout au plus repère-t-on quelques glissements : le passage du Palais-Royal aux boulevards comme lieu emblématique de Paris, par exemple, ou celui d’un enthousiasme pour les trottoirs de Londres, opposés à la saleté de la rue parisienne, au début du XIXe siècle, à une vision exactement inversée dans les années 1860.

Que dire encore ? Que l’ouvrage de Claire Hancock permet de nuancer grandement les affirmations de Walter Benjamin sur les «passages» parisiens du temps de la Monarchie de Juillet : si elle ne conteste pas ses analyses, elle remarque en effet que les passages ne suscitent aucune envolée lyrique dans les guides du XIXe siècle — signe qu’ils n’occupent certainement pas de position centrale dans l’imaginaire du temps. Que cet ouvrage envisage aussi les représentations de la ville au sens où la ville s’offre à elle-même sa propre représentation — par les panoramas ou les expositions universelles. Qu’à travers les représentations de Londres et de Paris il parvient à une analyse serrée des stéréotypes français de l’Anglais et britannique du Français... On aura une idée de la somme d’informations et d’analyses contenues dans le beau livre très documenté de Claire Hancock.


Sylvain Venayre
( Mis en ligne le 09/01/2004 )
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