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Histoire & sciences sociales  ->  Historiographie  
 

L'histoire face à l'obsession du présentisme
François  Hartog   Régimes d'historicité - Présentisme et expériences du temps
Seuil - La librairie du XXème siècle 2003 /  3.21 € -  21 ffr. / 258 pages
ISBN : 2-02-059328-9
FORMAT : 14x23 cm

L'auteur du compte-rendu: Maitre de conférences en histoire à l'Institut d'études politiques de Paris, Nicolas Roussellier mène des recherches sur l'histoire parlementaire et politique de la France contemporaine. Il est l'auteur du Parlement de l'éloquence (Presses de Sciences-Po, 1997).
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François Hartog étudie dans ce livre les différents régimes d’historicité qui se sont succédé de l’Antiquité à nos jours. Dans une société donnée, un régime d’historicité est la manière d’articuler le passé, le présent et l’avenir. A l’époque moderne, vers la fin du XVIIIe siècle, le passé, selon Reinhart Koselleck, commença à être considéré comme un «champ d’expérience» qui, au lieu de répéter ce qui était déjà connu, ouvrait sur la nouveauté et l’incertain : le futur avait un avenir et créait par là même un «horizon d’attente». Mais avant d’en arriver là, il y eut bien des étapes que le livre de François Hartog invite à parcourir un peu comme un odyssée.

Dans un premier chapitre, il propose un détour par l’étude des sociétés polynésiennes, suivant en cela l’inspiration de l’anthropologue Marshall Sahlins. A l’état premier, une communauté ou une société a besoin de fonder son sentiment d’unité sur un passé qui informe totalement le présent : les dieux ou les héros qui ont fondé la société (ou la cité) sont toujours présents pour défendre, sanctionner ou infléchir les actions du présent. Il n’y a pas de distinction entre le présent et le passé, pas plus qu’il n’existe une distinction claire entre l’action de la société sur elle-même et l’intervention des dieux et des héros. Seule la conscience prise d’une distance entre le présent et un passé révolu permet de sortir de ce premier régime d’historicité. C’est ce qui se passe pour Ulysse (chapitre 2) quand il écoute le récit d’événements dont il a été le témoin et l’acteur : par le temps qui s’est écoulé, il prend conscience de la «passéité du passé» (p.67), conscience douloureuse d’ailleurs, occasion des larmes du souvenir. La vision chrétienne, telle que l’enseigne saint Augustin, accentue encore plus le sentiment de l’exil qui habite dorénavant l’homme occidental : pèlerin du temps, ne faisant ici-bas qu’un passage éphémère, tendu vers un salut dans l’au-delà, le chrétien ordonne sa vision du temps entre un passé, un présent et un futur qui sont irrémédiablement distincts.

Dans son troisième chapitre, François Hartog étudie le cas de Chateaubriand, illustration du régime moderne d’historicité. Chateaubriand a vécu l’effondrement du monde dans lequel il était né. Il a vu surgir des temps nouveaux. Il se situe sur une «brèche» du temps, entre deux rives, où il peut encore se souvenir d’un passé révolu, mais qui ne sert plus de guide au présent, et s’interroger sur les révolutions présentes qui rendent l’avenir imprévisible. Le passé n’éclaire plus le présent comme le faisait l’historia magistra vitae. Le temps du présent, sans cesse révolutionné et accéléré, va plus vite que la capacité d’entendement des contemporains. C’est la génération suivante, celle des historiens de la période de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, qui reconstruit un nouvel ordre du temps : le passé contient un destin (par exemple l’avènement de la liberté, celui de l’égalité des conditions, ou bien l’avènement du Prolétariat.) que le présent fait entrevoir et que l’avenir accomplira. Etudier le passé devient un moyen de dessiner un futur et par là même de fixer un but aux actions et aux décisions du présent. Le régime moderne d’historicité se définit par son caractère futuriste.

Dans la deuxième partie de son livre, François Hartog étudie la crise du régime moderne d’historicité et l’entrée dans un nouveau régime, celui qu’il baptise du terme de «présentisme». Dorénavant, le passé n’est plus considéré comme l’annonciation du Progrès. Les choses du passé tels que les souvenirs d’événements mémorables, les monuments et les personnages illustres sont à conserver, à préserver et à transmettre pour leur valeur intrinsèque en tant que traces du passé mais non pas en raison du message qu’elles seraient supposées délivrer. Le basculement de la conception futuriste vers la conception présentiste du passé se vérifie par l’exemple de l’urbanisme à Paris. Jusque dans les années 1970, l’urbanisme était dominé par une vision moderniste et futuriste ; faire advenir dans le présent la ville telle que l’on se la représentait dans le futur. Après 1980, on tend à vouloir conserver le passé, quitte à lui trouver un réemploi. A quelques années près, les pavillons Baltard n’auraient pas été détruits pour permettre la construction du Forum des Halles : ils auraient été considérés comme un élément du patrimoine national (p.131). A quelques années près, en sens inverse, la Gare d’Orsay n’a pas été détruite et sert de musée-mémorial pour la période du passé qui l’a vu naître.

F. Hartog analyse les Lieux de mémoire dirigés par Pierre Nora comme le symbole et le vecteur du présentisme. Les Lieux ont permis de dresser l’inventaire critique de la mémoire nationale. Ils ont analysés tous les événements, personnages, monuments et institutions venus du passé et encore présents dans la mémoire. La mémoire a servi de critère de sélection à l’historien. Celui-ci n’est plus un «pontife» (p.156), construisant un pont entre le passé et l’avenir, mais un simple auditeur de la présence du passé. La lumière projetée depuis le passé vers notre futur est de plus en plus faible, considérée comme trompeuse ou vaine. C’est de notre présent, via la mémoire, que nous choisissons les choses du passé qui sont dignes d’être remémorées dans notre présent. A la limite, le passé tout entier n’est plus conçu que comme un patrimoine. Le passé n’est plus un objet d’analyse offrant au contemporain une connaissance sur son futur mais une ressource émotionnelle inépuisable.

Cet ouvrage est écrit dans un style clair et élégant, parfois à la limite de la préciosité. Il présente une construction un peu elliptique ayant privilégié l’analyse de quelques moments à une vision d’ensemble qui aurait pu être plus didactique. En tout état de cause, c’est un livre d’une grande profondeur qui fournit une pièce de première importance au dossier de la crise actuelle des études historiques.


Nicolas Roussellier
( Mis en ligne le 07/11/2003 )
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