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Le mal
Myriam  Revault d'Allonnes   Le dépérissement de la politique - Généalogie d'un lieu commun
Flammarion - Champs 2002 /  1.22 € -  8 ffr. / 318 pages
ISBN :  2-08-080032-9
FORMAT : 11x18 cm

Ouvrage paru une première fois en 1999 (Aubier).
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La politique ne satisfait pas, ou ne satisfait plus. Les journaux ne font actuellement qu'amplifier le sentiment communément partagé que la politique s'essouffle. L'annonce spectaculaire - au sens littéral du terme - des scandales politiques, la mise à jour des accointances de certains dirigeants politiques avec les milieux de l'industrie ou de la finance, la fin des idéologies et la mondialisation face à laquelle le pouvoir politique est impuissant sont autant de thèmes qui sont analysés comme les signes d'un dépérissement de la politique. C'est à ce constat qui hante notre époque, que Myriam Revault d'Allonnes, professeur de philosophie à l'université de Rouen, consacre son dernier ouvrage. Très patiemment, Le Dépérissement de la politique, démontre l'irrecevabilité du sentiment que la politique, dans les démocraties occidentales, souffrirait d'une maladie inédite, d'une sclérose. L'accusation est trop grave en tout cas pour se passer d'une analyse et de nuances. Mais trouver la part de vérité d'un lieu commun n'est pas une entreprise facile.

Cette mission que la philosophe se propose d'accomplir repose, comme le titre de son essai l'indique, sur la reconstruction de ce lieu commun. Mais de quoi s'agit-il? Le titre est en effet équivoque; on comprend à la lecture qu'il est en fait résolument ambivalent. Il semble que pour Myriam Revault d'Allonnes, faire la généalogie du dépérissement de la politique soit à la fois l'histoire de la politique comme lieu commun, c'est à dire scène du vivre-ensemble, et la quête des prodromes de ce dépérissement que nos contemporains déplorent. De la sorte, les deux facettes de ce travail se rejoignent: en recherchant la politique dans l'histoire, de ses débuts antiques et athéniens jusqu'à nos jours, l'auteur nous montre combien ce dépérissement est moins un processus à déplorer, qu'une réalité intrinsèque à la politique, qu'il faudrait raisonnablement accepter. Le Dépérissement de la politique est la déconstruction d'une vérité toute faite, qui démontre plus profondément et essentiellement la fragilité de la politique.

Schématiquement, ce dépérissement serait le résultat de trois phénomènes, chacun développé dans l'une des trois parties de l'ouvrage. L'opposition entre la Liberté des Anciens et la Liberté des Modernes, telle qu'elle est analysée par Benjamin Constant, constitue une première explication. L'homme moderne n'est plus «l'animal politique» raisonnable du Logos, mais un individu soumis à ses passions, à la soif de puissance et à la crainte de la mort qui en découle. Les théories contractualistes des XVIIe et XVIIIe siècles (Rousseau, Locke, Hobbes) incarnent un recul de la politique qui n'est plus l'égale participation des citoyens au pouvoir - l'isonomie antique - mais le retranchement de l'Etat dans le rôle de protection des individus.

La politique souffre ensuite de son idéalisation, via trois vecteurs que sont l'histoire, la religion et la morale. Or l'idéalisme commande la désillusion. Toute philosophie de l'histoire, l'idéalisme hégélien comme le marxisme, voire même le progressisme libéral envers lequel Myriam Revault d'Allonnes se montre très critique, est une aporie, ou du moins un problème. Comment penser la liberté de l'acte politique dans une trame qui le déterminerait en vue d'un épilogue identifié? Non seulement, la politique meurt en perdant ainsi sa liberté, mais aussi, en frustrant les hommes attentifs à des lendemains meilleurs qu'elle ne peut pas procurer.

Mobilisant des philosophes et intellectuels aussi divers que Kant - pour sa critique du jacobinisme -, Michael Walzer ou François Furet pour leurs analyses des révolutions, mais aussi Carl Schmitt, concepteur du couple ami/ennemi, une dichotomie rectrice au sens du constitutionnaliste allemand. Myriam Revault d'Allonnes insiste ensuite sur la dimension théologico-politique de la crise actuelle du «vivre-ensemble». Du théocratisme médiéval à notre République laïque, la sacralité demeure l'un des moteurs de la vie politique, source de déceptions et d'aliénation du «libre-agir» dans la cité.
Proche de la religion, la morale est le troisième facteur qui idéalise la politique. C'est en effet d'un point de vue moral que les critiques les plus acerbes dénoncent la corruption sévissant dans les allées du pouvoir. L'auteur note d'ailleurs qu'il n'y a là rien de nouveau et que cette critique remonte aux origines mêmes de la politique. Elle cite Aristophane qui, sous Périclès, se plaignait déjà de la mesquinerie et de la compromission d'hommes de pouvoir comparés à des marchands.

Troisième facette de la crise de la politique, l'expérience totalitaire dont le XXe siècle vit l'occurrence inédite est un traumatisme qui peut expliquer également par son impact le désarroi actuel autour du vivre-ensemble. Le totalitarisme est en effet une rupture dans l'histoire de la politique. Tentative de destruction totale de celle-ci, il ne sort pas ex nihilo des couloirs de l'histoire. Dès lors, le spectre totalitaire pèse sur la modernité comme une perpétuelle menace, susceptible de réveils douloureux dès que surviennent les aléas économiques, sociaux ou idéologiques. Myriam Revault d'Alonnes reprend ici les thèses de Hannah Arendt, importante théoricienne du phénomène totalitaire.

La grande nouveauté de cet avatar de l'histoire politique réside dans sa pénétration du social, jusque dans la vie privée des individus. Le moyen par lequel le totalitarisme arrive à sa fin - la destruction du politique dont l'essence est la pluralité humaine et son concert - est la destruction de cette polyphonie par la généralisation d'une idéologie unique, une politisation à l'extrême de la vie des hommes. Le postulat du totalitarisme est ainsi le caractère superflu de l'humain. Nier la diversité des voix, c'est effacer la spécificité d'un être, c'est tuer l'homme, et donc la politique. Le système totalitaire considère que tout individu en vaut un autre.

Or cette neutralisation de l'humain est implicitement contenue dans l'idéologie libérale des Droits de l'Homme. L'universalisme de ces droits réfute le particularisme d'un être; il repose sur une vision axiomatique de l'être humain. Cette critique discrète du libéralisme occidental est l'un des points forts du Dépérissement de la politique, qui permet de réfléchir sur cette crise dans des schémas plus novateurs que les traditionnelles oppositions libéralisme/marxisme, ou libéralisme/totalitarisme. Myriam Revault d'Allonnes veut retrouver dans l'homme moderne l'animal politique reconnu en son temps par Aristote.

Sa conclusion peut ainsi être perçue comme un appel à l'optimisme raisonnable, à un optimisme fondé sur la raison. L'incontestable attrait de l'auteur pour la cité antique, paradigme de ce que devrait être la Polis moderne, et les faveurs dont jouissent Aristote, Arendt et Merleau-Ponty dans son argumentation, la conduisent à constater la fragilité intrinsèque de la politique. La position de l'auteur est qu'il faut faire le pari de cette fragilité, qu'il faut en prendre le risque, parce qu'elle correspond à l'essence du politique. A travers cet ouvrage, Myriam Revault d'Allonnes affirme la nécessité d'un vivre-ensemble démocratique. La démocratie est un horizon normatif à ne pas perdre des yeux. Mais il faut être conscient que cet idéal politique ne coïncide jamais pleinement avec sa réalisation empirique.

On remerciera l'auteur pour un ouvrage aussi exigeant que le sien. Le tour de main de Myriam Revault d'Allonnes est de prendre au sérieux un problème sujet à toutes les gloses, des plus légères au plus délirantes. Traiter d'un lieu commun, la crise du politique, thème favori des comptoirs et des éditoriaux, exigeait un courage intellectuel qui n'autorisait pas l'échec. L'auteur convainc le lecteur. Sa démonstration lente et progressive, ne s'interdisant pas les détours nécessaires par des auteurs qu'elle critique pour pouvoir mieux asseoir sa thèse (Huntington, Fukuyama, Agamben, mais aussi Platon dans un certain sens), apparaît comme un admirable travail de philosophie.


Thomas Roman
( Mis en ligne le 11/02/2002 )
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