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Littératureet Romans & Nouvelles  

Tête de gondole
de Christophe Rioux
Flammarion 2009 /  19 €- 124.45  ffr. / 283 pages
ISBN : 978-2-08-120902-2
FORMAT : 13,5cm x 21cm

Cauchemar climatisé

On pourrait qualifier Tête de gondole de grande satyre de la société de consommation, obnubilée par les profits sans scrupule. Le parallèle avec la réalité est envisageable et comme toute fiction qui se revendique accusatrice des maux de son temps, les personnages et les évènements sont alambiqués d’une telle façon que l’horreur la plus abjecte se profile au fil des pages.

L'intrigue se déroule dans un centre commercial high-tech, dont les immenses parois de verre offrent un subtil mélange de lumières naturelle et artificielle. Aspirés dans cet antre du marketing consumériste, les clients errent dans les rayons surchargés comme des zombis avides. Les manipulations les plus machiavéliques pour que le client roi devienne à son insu le pion de la dépense futile et le pourvoyeur de bénéfices à deux chiffres règlent ce système sans déontologie.

Les salariés de ce temple moderne, quant à eux, sont voués corps et âmes au bon fonctionnement de la machine. Ectoplasmes figés dans un sourire caricatural et à l'efficacité obligée, ils sont comme des matricules stupides et formatés de la grande enseigne, fournisseur principal de l’emploi local. Aucun moyen d’y échapper, que l’on soit consommateur ou salarié !

Voilà le cul de sac dans lequel se retrouve Victor, jeune (sur)diplômé en littérature. Au chômage, il n’a d’autre choix que de postuler auprès de l’hyper enseigne pour travailler au rayon culture. Après des sélections sadiques menées par une direction des ressources humaines tout sauf humaine, il débute dans sa fonction... ou plutôt un cauchemar. Lui, le grand lecteur, admirateur des grandes œuvres, il se retrouve à mettre en valeur non pas la qualité intrinsèque d’un livre mais sa valeur ajoutée visuelle.

Malgré son dégoût, il plonge, peu à peu, dans une spirale cynique. Il fait siennes les valeurs de l’hyper enseigne. Il réfléchit, réagit et vit à l’image de ce monde factice, influencé par un jeu pervers de récompenses/punitions. En quelques semaines, Victor n’est plus qu’un vague ersatz de lui-même, il erre, jour et nuit, dans l'espace labyrinthique, incapable de prendre conscience du piège dans lequel il se fourvoie. Pourtant, une mystérieuse créature, Anna, tente de le détourner de cet état hypnotique et autodestructeur.

Si le concept est intéressant et pertinent dans le contexte actuel, la lecture du roman laisse hélas une impression d’insatisfaction, comme si l’auteur tournait sans cesse autour du pot. Tout semble inachevé : plusieurs thématiques sont lancées sans être toujours menées à bout. Certes, l’accent est mis sur Victor et sa lente mais évidente perte de contrôle identitaire ; mais pourquoi, dans ce cas, ces réflexions sont-elles noyées dans une myriade de détails secondaires qui désamorcent en fait la crédibilité de l’histoire ? Tout cela n'est-il pas au final trop caricatural ?

Frédéric Bargeon
( Mis en ligne le 06/03/2009 )
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