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Littératureet Romans & Nouvelles  

Revivre la bataille
de Juliette Kahane
L'Olivier 2009 /  18 €- 117.9  ffr. / 234 pages
ISBN : 978-2-87929-641-8
FORMAT : 14,0cm x 20,5cm

(Sur)années...

Revivre la bataille est construit comme une ellipse. Les souvenirs de Rose Cardenal, femme du cinéaste Vito Stern, se télescopent, s’entremêlent sans cesse avec les recherches qu’elle entreprend pour comprendre la disparition mystérieuse et inexplicable de ce dernier.

La grande partie de l’existence de Rose est influencée par la rencontre improbable avec le jeune cinéaste parisien, au début des années 80, époque où la communauté artistique s’intéresse à la condition populaire, moins par pures convictions politiques que par snobisme gauchisant. A cette époque, Rose n’est qu’une jeune ouvrière dans une usine provinciale. Au cours d’une grève qui dure, elle rencontre Vito venu faire un reportage sur cette classe populaire qui souffre et l’exprime. Elle accepte sa proposition de le suivre à Paris. La découverte de la capitale et des mondanités culturelles évaporent la vie toute tracée qu’elle aurait eu en restant à Troyes. Amoureuse et émerveillée, elle ne se sent malgré tout jamais à sa place. Sa personnalité et sa sensibilité sont des atouts naturels qui lui permettent de devenir une photographe reconnue.

Entre rencontres d’artistes majeurs et nuits festives, les années passent, les sentiments s’étiolent et la relation atypique entre l’ancienne ouvrière et le cinéaste renommé se disloque. Dans les années 2000, ils ont la cinquantaine, cet âge où faire un come back sur le passé est nécessaire, comme un besoin permettant de redonner du sens aux années qu’il reste encore à vivre. La disparition de Vito réveille un sentiment amoureux éteint. L’étrangeté de la situation est à l’image du personnage volatilisé qui avait pris, quelques mois auparavant, un petit studio dans une cité délabrée de la région parisienne. Rose s’immerge dans ces mètres carrés et redécouvre, à travers les affaires éparpillées et le travail en cours de Vito, l'homme qu‘elle croyait ne plus aimer. La cité est sordide, l’inhumanité ambiante semble la conséquence d’une architecture repliant sur elles-mêmes les populations dans les blocs de béton. Dans ce contexte, l’absence de Vito nourrit les pensées de Rose, le rendant alors plus consistant, plus réaliste presque obsédant.

La plume de la romancière est comme l’œil d’une caméra, les champs panoramiques plantent le décor, les gros plans sondent l’intimité et les flash-backs raniment l’esprit enfiévré des années 80, et leur parfum suranné. Sensible, dynamique et mené par une intrigue digne du cinéma de la Nouvelle Vague, le roman de Juliette Kahane est tout à fait réussi.

Frédéric Bargeon
( Mis en ligne le 13/03/2009 )
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