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Littératureet Romans & Nouvelles  

Cancres Limited & Cie
de Tom Sharpe
Omnibus 2010 /  27 €- 176.85  ffr. / 1024 pages
ISBN : 978-2-258-08380-6
FORMAT : 13,2cm x 19,9cm

Porterhouse ; Panique à Porterhouse ; Le Cru de la comtesse ; Fumiers et Cie

Préface de Philippe Delaroche


Adieu,vieille Angleterre !

Né en 1928 du second mariage d’un pasteur unitarien membre de la British Union of Fascists, Tom Sharpe (Thomas Ridley Sharpe) peuple ses romans de personnages qui rappellent ce père encombrant. Des «héros» ridicules, imbus d’eux-mêmes ou de la cause à laquelle ils ont voué leur vie, intransigeants et incapables de voir le monde et ses évolutions, liés éternellement à la dictature d’une tradition qu’ils interprètent mal. Tom Sharpe les place dans des situations insensées qu’il construit de façon méticuleuse, puis, lorsque le piège est bien en place, il le déclenche sans en avoir l’air, sur un mince prétexte. L’univers tout entier alors bascule, sans que dans un premier temps le premier concerné n’y prête attention ! Le lecteur averti regarde avec jubilation se dérouler la catastrophe annoncée, qui s’enfle démesurément pour finir dans un délire cataclysmique !

Omnibus a rassemblé dans ce volume quatre textes (Portehouse, Panique à Porterhouse, Le Cru de la comtesse, Fumiers et Cie) parus en Angleterre entre 1974 et 1996 (1997 et 2010 pour les éditions françaises), précédés d’un avant-propos de Philippe Delaroche. Les trois premiers romans se passent dans l’univers des écoles anglaises (un collège de Cambridge pour Porterhouse, un établissement secondaire minable au pays de Galles pour Le Cru de la comtesse) et dans le quatrième on suit la descente aux enfers d’un jeune aristocrate aussi stupide que fat. Les hommes sont pleins de morgue, leur suffisance leur servant d’intelligence, les femmes sont en général idiotes, du moins en apparence, stratégie qui leur offre une survie efficace dans un univers machiste au premier degré. Et lorsqu’elles sont intelligentes, une seule consigne de bon sens pour l’entourage-surtout masculin : Courage fuyons ! Mères, elles sont faibles et éperdues d’admiration devant des rejetons mâles qui n’en valent pas la peine, thème récurrent chez Sharpe.

Tom Sharpe dézingue sans pitié toutes les bases qui ont fait la gloire de la société anglaise : l’attachement à la tradition, la formation et le rôle des élites, la stratification sociale, l’importance du sport comme culture, les souvenirs de l’Empire, l’idée que civilisation rime avec britannique… On suit avec délectation toutes les nuances de l’imbécillité : du doux imbécile sans pouvoir donc sans grand risque pour l’entourage, à l’imbécile méchant et arrogant… Un joyeux jeu de massacre, tous azimuts, sans rime ni raison. Le tout se passe dans les années 80, années fric, années thatchériennes, années de vulgarité affichée.

Si l'on voit couramment dans Tom Sharpe l’héritier de Woodehouse, ses romans peignent une société au-delà de la décadence élégante et flegmatique de l’Angleterre des châteaux de Woodehouse ; Jeeves y perdrait son calme, et ne reste que la solution du pire ! Dire que la charge est burlesque est quasiment une litote, Tom Sharpe détruit tout sur son passage et le lecteur hébété voit exploser tous les ressorts du roman, alors que, miraculeusement, de cette catastrophe absolue émerge un des héros, le plus souvent une héroïne, qui, ménage fait, a désormais le champ libre pour ses ambitions.

Une lecture à vivement recommander pour tous ceux qui se sentiraient l’âme ou l’esprit morose, à condition qu’ils soient amateurs de démesure !

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 10/03/2010 )
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