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Littératureet Romans & Nouvelles  

La Cithare nue
de Shan Sa
Albin Michel 2010 /  20 €- 131  ffr. / 325 pages
ISBN : 978-2-226-20844-6
FORMAT : 15cm x 22cm

Destin d'une reine

Shan Sa séduit d'une plume qui n'a pas peur de l'élégie ni du drame. Romancière tragédienne, elle sait peindre des destins d'êtres majuscules en des temps qu'on dit immémoriaux. Une plume qui serait ampoulée si elle n'était aussi mélancolique, poétique, douce et imagée. Un style qui colle à ses sujets, des existences tragiques dans les brumes d'une histoire qui, grande certes, n'en est pas moins oubliée.

Tel est le destin de la Jeune Mère, fille de haute lignée qui, enlevée à l'occasion d'une guerre entre le Nord et le Sud par un militaire sans noblesse, l'amiral Liu, finira par atteindre la magistrature suprême et la Cité interdite. Une femme éprise d'art et de poésie, férue de cithare - un instrument qui se joue seul et qui dit mieux qu'un philosophe les beautés et les mystères du monde -, et seule, seule depuis qu'elle vit aux côtés de l'absent, ce général assoiffé de conquête à qui elle donnera deux héritiers.

Shan Sa nous décrit cette trajectoire en l'entrecoupant, deux siècles plus tard, par celle d'un luthier sans fortune, Shen Feng, qui, violant une tombe - car le temps est à la misère et à ces sacrilèges - découvre un bois d'une qualité rare, dont il fera une cithare.

Alors que la Jeune Mère voit l'hubris de son époux lui donner la Chine entière, empire usurpé dont elle ne voudra pas, et que ses enfants ne sont guère que les pions des stratagèmes de leur père, Shen Feng découvre dans la tombe qu'il revisite une femme - est-ce un rêve de femme ? - qu'il aime aussitôt...

Magie de la littérature, deux destins que des siècles séparent se réunissent autour d'un objet dont il ne faut apparemment pas sous-estimer les pouvoirs. Le roman se termine à notre époque, quand deux fantômes visitent une jeune fille elle aussi bien seule...

L'auteure snobe la rentrée littéraire et nous offre à l'orée de l'été un roman idéal, à parcourir en vacances, à l'ombre, au calme. Et dans cette tranquillité, les mots dessineront peut-être les mélodies tristes d'un air antique de cithare...

Samantha Cluzet
( Mis en ligne le 21/07/2010 )
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