L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

La Solitude du docteur March
de Geraldine Brooks
Belfond 2010 /  20.50 €- 134.28  ffr. / 339 pages
ISBN : 978-2-7144-4587-2
FORMAT : 14,2cm x 22,5cm

Traduction d'Isabelle-D Philippe

Qui était le Docteur March ?

Géraldine Brooks, née en Australie, vit aux États-Unis, dans le Massachusetts (île de Vineyard), et c’est une histoire américaine qu’elle raconte ici, celle d’un inconnu célèbre en quelque sorte : le docteur March. Toutes les jeunes lectrices américaines ou occidentales connaissent ses quatre filles, héroïnes du roman à succès de Louisa May Alcott (Little women, Les Quatre filles du Docteur March), plusieurs fois porté à l'écran. Mais comme leur père était à la guerre, il était le grand absent de cette histoire à succès. Aussi Géraldine Brooks comble-t-elle les vides en campant un personnage émouvant.

Le roman mêle habilement journal, souvenirs, correspondance, et se déroule sur une année, en utilisant les allusions du récit de L.M. Alcott. Il débute le 21 octobre 1861 : engagé volontaire dans la guerre de Sécession, abolitionniste convaincu, mari aimant, John March, qui vient de se ruiner en faisant imprudemment confiance à un défenseur de la cause abolitionniste, écrit son journal et l’entrecoupe des lettres à sa femme, restée à Concord. Peu à peu, défile sa vie : jeune homme, colporteur, intelligent, il parcourt le Sud des grandes plantations et découvre la réalité de l’esclavage, particulièrement ému par une jeune femme noire, Grace. Fortune faite, il revient dans le Nord, partisan absolu de l’abolitionnisme, et rencontre Marmee qui partage ses convictions. Ensemble, ils fondent un foyer heureux. C’est alors l’Amérique d’Emerson et de Thoreau qu'évoque Géraldine Brooks, celle des transcendentalistes, proches de la nature. John March est pasteur.

Mais lorsque la guerre éclate, il se sent obligé de s’engager ; c’est l’essentiel du roman : sa découverte de l’horreur de la guerre (Géraldine Brooks a été correspondant de guerre pour le Wall Street Journal), la réalité de l’esclavage au cœur de la guerre civile, les rebelles, la dureté des affrontements, le personnage ambigu de Canning, homme du Nord venu exploiter une plantation de coton, à la fois violent, brutal et intègre malgré tout.

John March survivra mais pas indemne, c’est un autre homme à la fin du roman, ébranlé définitivement. C’est d’ailleurs un des aspects forts du roman que ces fêlures de l’âme qui s’installent doucement, irréversibles, fondées sur les contradictions internes du personnage.

Géraldine Brooks s’est inspirée du père de Louisa May Alcott pour imaginer son John March. Avec, aussi, des personnages émouvants de femmes fortes : Grace, Marmee… Par le biais de cette histoire, l'auteure revient sur un des très grands épisodes de l’histoire américaine : la guerre de Sécession, la fuite des esclaves vers le Nord, «contrebande de guerre» ; on est plus souvent proche de La Case de l’oncle Tom que d’Autant en emporte le vent. Toutefois, le récit n’est jamais manichéen, les faiblesses de chaque camp sont évoquées, analysées, leurs qualités également.

Un roman bien mené, une intrigue bien construite, qui devrait plaire à un grand nombre de lecteurs. Le roman a d’ailleurs reçu aux États-Unis le prix Pulitzer en 2006. L’occasion aussi de lire le premier roman de Géraldine Brooks : Le Livre d’Hanna (Belfond 2008, Pocket, 2010).

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 08/10/2010 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)