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Littératureet Romans & Nouvelles  

Les Pensées sauvages
de Marc Durin-Valois
Plon 2011 /  18 €- 117.9  ffr. / 192 pages
ISBN : 978-2-259-21301-1
FORMAT : 13,4cm x 20,3cm

Seul, obstinément seul

Antonin a 19 ans et prépare intensément le concours de l'Ecole Normale Supérieure, mais lorsqu’à sa seconde tentative il tombe sur le sujet «A quoi sert une vie ?», il craque et rend pour tout texte : «VA TE FAIRE FOUTRE», en lettres majuscules, liquide l’appartement que ses parents enseignants lui avaient acheté pour assurer sa réussite, et file vers le sud, l’Ariège, la maison d’une grand-mère paternelle qu’il n’a pas connue ; les poches pleines d’argent et de cocaïne, il fait livrer un piano, quelques livres, et s’abîme dans ce village perdu sous une canicule impitoyable.

Marc Durin-Valois, d’une belle écriture, raconte des rencontres ratées pour différentes raisons : celle de Bernadette, l’adolescente laide et solitaire, bâtarde tolérée - à peine – par le village dont Antonin décide que les habitants sont des «grenouilles noires à dents», celle aussi et surtout de la famille Madowski, clan féminin dominé par la figure rassurante et inquiétante à la fois de l’homme, Hugo. Autour de lui : Lise la compagne, la cinquantaine, la fille Emma, vingt ans, qui poursuit un dessein improbable d’artiste maudite, la sœur Nelly qui hurle l’amertume d’une vie ratée, la nièce Charlotte qui s’offre Antonin en même temps qu’un petit séjour à la campagne, histoire d'enterrer sa «vie de jeune fille»… Hugo qui observe, intervient, mais toujours en retrait, ambigu. Les personnages circulent sous les yeux du lecteur, présentent tour à tour des facettes différentes... Où est leur vérité ? La vérité ?

Tout le roman est l’histoire d’une solitude, d’une initiation, celle d’Antonin à qui chacun selon sa personnalité tente d’apprendre à vivre en société… C’est aussi l’histoire de rencontres impossibles : celle des habitants du village et d’Antonin muré dans ses habitudes, ses obsessions, sourd au monde, qui n’entend que ses fautes de frappe dans la lancinante répétition de la sonate de Liszt à laquelle il s’abandonne sans mesure.

C’est l’histoire d’autres solitudes autour de lui, Bernadette et les autres… solitudes condamnées à le rester. Solitudes égayées un temps par la démarche vacillante et les erreurs constantes d’Antonin. Marc Durin-Valois laisse planer le doute sur le rôle que joue Hugo : gourou bienveillant, deux ex machina, pervers manipulateur ? Peu de doute en revanche sur Antonin qui se raconte avec complaisance, enfant gâté d’une époque un peu vide. Qui, de Hugo ou d’Antonin, gagnera en fin de compte la partie engagée ?

Un texte bien écrit, une histoire assez envoûtante, même si le narrateur, Antonin, peut exaspérer par son narcissisme vain. Marc Durin-Valois sait entraîner son lecteur dans ces histoires de catastrophes programmées (on se souvient de Chamelle, 2002) dans lesquelles le héros se perd faute d’ouverture aux autres.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 26/01/2011 )
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