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Littératureet Romans & Nouvelles  

Mensonges
de Valérie Zenatti
L'Olivier - Figures libres 2011 /  10 €- 65.5  ffr. / 91 pages
ISBN : 978-2-87929-783-5
FORMAT : 14cm x 20,5cm

Celle qui ne parle pas

«Tout écrivain digne de ce nom écrit sur son enfance et la Shoah est mon enfance». Tout est dit dans cette phrase et rien n’est dit en même temps, puisque l’auteur ne parle ici ni vraiment de la Shoah, ni vraiment de son enfance. Elle s’appuie sur des mensonges, ceux qui ont jalonné sa vie (à commencer par l’obligation de mentir pour cacher le fait d’être juif), et ceux qu’elle invente pour rendre hommage à son ami et écrivain Aharon Appelfeld, de façon détournée, en se glissant dans son identité. Le procédé est complexe, volontairement brumeux, lui laissant ainsi toute latitude pour broder sur ses souvenirs et s’échapper de la réalité, pour dire, sans dire, l’indicible, celui de l’enfance qu’on ne s’autorise pas à coucher sur le papier, et celui de la Shoah, bien sûr.

Cela donne des pages en apparence plus littéraires et poétiques qu’autobiographiques ; les souvenirs de l’holocauste sont traités ici avec une grande pudeur. Ces effleurements de la réalité, ciselés avec des mots réfléchis, émeuvent et font ressortir l’outrance des faits. Cela donne aussi des pages imaginaires puisque, dans la deuxième partie, il s’agit d’un conte, l'épopée de deux enfants perdus dans une forêt en Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale, allégorie saisissante et résumé de sa vie.

On l’a compris, il faut lire entre les mots, en se laissant emporter par lesdits mots, remarquables, et en s’apercevant peu à peu qu’ils nous entraînent sur des chemins variés, tant ils sont bien déguisés pour nous offrir des sensations aux interprétations multiples. Valérie Zenatti élève les mensonges de l’enfance au premier rang de l’illusion, en vraie professionnelle de l’écriture, en vraie enfant aussi : étymologiquement «celle qui ne parle pas».

«Je ne sais pas encore que l’essentiel de ce que je cherche à comprendre, ou à saisir, se trouve dans le non-dit qui ne s’écrit pas». Et pour nous, l’essentiel de cette quête de l’insaisissable résidera dans le plaisir qu’on aura à se laisser emporter par ce non-dit si bien écrit.

Dany Venayre
( Mis en ligne le 10/06/2011 )
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