L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

Voyage au centre de Paris
de Alexandre Lacroix
Flammarion 2013 /  20 €- 131  ffr. / 381 pages
ISBN : 978-2-08-129030-3
FORMAT : 13,5 cm × 21,0 cm

Le style et la ville

Le titre l'indique, ce n'est pas de Paris dont il est question ici mais de son centre, grosso modo le Quartier Latin, biotope de l'intellectuel germanopratin qu'est l'auteur, les îles et le quartier du Palais Royal. Une flânerie littéraire comme il en existe tant, qui conviendra à ceux qui aiment les belles plumes et Paris, se reconnaissant dans les deux, le style et la ville. C'est donc à la fois séduisant et convenu, agréable et déjà-lu.

Entre les chemins de traverse des catacombes et ceux des toits de Paris (''les prairies de zinc'') : les passages couverts encore glauques (pas ceux restaurés et rutilants qui font la joie des touristes nippons et yankees) et les orgies interlopes des backrooms gays (fallait-il aller chez les homos du ''Dépot'' pour constater que le sexe pour le sexe, sans amour et sans âme, pour la viande et le fun, n'est finalement que de la boucherie ?...), les rencontres fortuites mais fortes avec des personnages comme en n'en voit pas ailleurs, le dédale de tuyauteries, fleuron mort-né de la communication par pneumatique, ou les névroses cachées derrière les fontaines enfantines de Niki de Saint Phalle. Etc., etc.

Des détails, des pensées et des impressions ; on aime celles, personnelles mais aussi citées, concernant les cieux parisiens. Sur le cafard parisien : "C'est une morosité grise comme le zinc des toits, comme les trottoirs détrempés par la pluie, une sorte de désespoir zéro, sans cause précise et sans violence, une angoisse atmosphérique que vous inspirez sans vous en douter, qui finit par vous imbiber jusqu'aux vertèbres" (p.71).

Des citations, beaucoup : on n'échappe pas à sa formation ; Alexandre Lacroix disserte et professe parfois plus qu'il n'écrit. C'est donc à la fois documenté et incomplet, érudit pour les quelques rues que l'auteur parcours et évoque, mais qui ne sont que le pointe d'un iceberg urbain bien plus imposant.

Mais Alexandre Lacroix, pour s'excuser, se dédouaner, expliquer peut-être, esquive la critique en démontrant ce qui ferait l'essence de Paris : son insaisissabilité, une idée plus qu'une ville, hydre protéiforme (''mon Paris n'est pas le tien qui n'est pas celui de ton voisin''), une éponge à sensations, miroir déformant de nos propres fantômes, ville peuplée d'êtres étranges, touristes ou provinciaux qui n'y sont pas nés, la faute à l'oncle Haussmann qui retourna la ville comme un gant, chassant les Parisiens vers les faubourgs et créant ainsi, sur cet îlot symétrique de calcaire et de zinc, un appel d'air qui aujourd'hui encore perdure. Une cité dès lors désincarnée, incomplète, a-naturelle. Bref, une idée, fantaisie hautement romanesque, ce qui explique que tant d'auteurs, de poètes et de géomètres y aient cassé leurs mines et leurs équerres. Il cite en particulier la vanité des projets littéraires trop ambitieux de Walter Benjamin et d'un obscur académicien : Maxime Du Camp.

Plaisant donc, mais peut-être facile et donc maladroit. Les chapitres sont courts, un par adresse, par souvenir, par mise en scène d'un égotisme, travers lui aussi très parisien.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 25/01/2013 )
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