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Littératureet Romans & Nouvelles  

Mourir pour la patrie
de Akira Yoshimura
Actes Sud - Lettres japonaises 2014 /  18.50 €- 121.18  ffr. / 174 pages
ISBN : 978-2-330-02684-4
FORMAT : 11,6 cm × 21,8 cm

Sophie Refle (Traduction)

Allonz’enfants...

Printemps 1945 à Okinawa : la fin de la guerre se précise et les soldats américains, progressivement, arrivent. Mais pour Shinichi Higa, 14 ans, élève d’un école secondaire, l’heure est au combat, à la résistance à l’invasion, au sacrifice. Abreuvé de rhétorique guerrière et de mots d’ordre mobilisateurs, l’adolescent brûle de revêtir l’uniforme et d’en découdre avec les soldats américains… Et qu’importe s'il faut se sacrifier (après un père, un grand frère, des oncles, déjà tous disparus), c’est pour l’empereur !

Intégré d’office dans une unité «fer et sang pour l’empereur», revêtu d’un bel uniforme, le héros va donc à son tour connaître les joies de la guerre, mais trop jeune pour être combattant, il est versé dans le corps médical comme ambulancier, chargé de porter les blessés jusqu’à des hôpitaux de campagne rudimentaires. La guerre oui, mais vue depuis l’arrière, la guerre et son bilan de blessures, de cadavres, de cris, de larmes, de souffrance : rien d’héroïque, que de la chair et du pus. Et lorsqu’enfin l’ordre d’aller à l’ennemi arrive…

Le roman d’Akira Yoshimura est un grand roman d’initiation, mais une initiation au pire : disons plutôt un roman du traumatisme, tant la figure de l’enfant errant dans un paysage en guerre s’apparente peu aux schémas idéaux de l’adolescence. Shinichi Higa est bien jeune, et surtout bien candide, bien sûr de lui, bien bravache. La réalité, qui le rattrape, se charge de le transformer rapidement en… en quoi ? Pas en un adulte, ni même en un adolescent mûr, plutôt en un fétu de paille perdu dans un immense incendie. Traversant des scènes dignes de Jérôme Bosch – version infernale -, le héros découvre la réalité de la guerre et la fausseté des discours de propagande, avant de finir par accepter la défaite du pays.

Ecrit dans un style à la fois simple et subtil, ce court roman à l’allure autobiographique s’avère saisissant, en ce qu’il montre de la guerre, et de la défaite japonaise, un spectacle cru, qui mélange les drames aux litanies patriotiques. Bien servi par une traduction exemplaire, ce texte - qui pourrait aussi bien séduire un lectorat scolaire qu’un lectorat adulte – nous ramène à quelques grands récits d’enfance en guerre, et notamment L’Enfant d’Hiroshima, le classique du genre.

Bref, un excellent roman sur la Seconde Guerre mondiale, vu depuis le Japon, et un portrait saisissant de l’enfance prise à partie par la guerre des adultes.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 07/02/2014 )
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