Littérature
Romans & Nouvelles de Pablo Casacuberta
Métailié - Bibliothèque hispano-américaine 2016 / 17 €- 111.35 ffr. / 163 pages
ISBN : 979-10-226-0289-1
FORMAT : 14,0 cm × 21,5 cm
François Gaudry (Traducteur)
Ego blessé
«J’avais depuis peu une barbe naissante, formée de cinq ou six îlots de poils qui parsemaient mes joues comme un archipel capricieux et sombre. Je me demandais si une croissance aussi irrégulière me rapprochait de la maturité ou au contraire trahissait son éloignement» (p.11). Ces deux phrases résument parfaitement la triste histoire de Maximo, jeune uruguayen, narrateur du deuxième roman traduit en France de Pablo Casacuberta. Le récit se déroule en une journée et une nuit, moment où cet adolescent reconsidère sa vie, où les croyances et habitudes de son enfance se fissurent, où ses illusions se dissipent avec la révélation d’une histoire familiale entièrement réécrite, pendant qu’émerge son existence d’adulte.
Encombré par un prénom désuet qu’il porte comme un fardeau, par cette barbe naissante à l’aspect ridicule, par un jeune frère cadet, Ernesto, que, jaloux, il appelle le nain, et dont les provocations et l’arrogance le font sortir de ses gonds, par les tensions familiales... Maximo se réfugie dans des revues scientifiques (Ici et maintenant – Connaissances), trésor de sa jeunesse et dans une érudition obsessionnelle et encyclopédiques qui semble lui tenir lieu de charpente en l’absence du père.
Toujours sur le fil entre tragédie et comédie, avec une peinture touchante de ce qui peut relier un fils et son père, même absent, l’auteur saisit ce moment du basculement hors de l’adolescence, emportant le lecteur dans le flux mental de son narrateur, sous l’emprise d’événements, d’émotions et de souvenirs. «Le monde me paraissait désarticulé, aléatoire, comme si sa structure semblable à celle des métaux s’était affaiblie» (p.91).
Poignant, ce roman initiatique, écrit dans ton dépouillé et sensible, se laisse dévorer d’un trait. A lire absolument pour côtoyer la littérature uruguayenne contemporaine.
Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 24/02/2016 )
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