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Littératureet Romans & Nouvelles  

Aller en paix
de Ludovic Robin
Rouergue - La Brune 2017 /  21.80 €- 142.79  ffr. / 352 pages
ISBN : 978-2-8126-1196-4
FORMAT : 14,1 cm × 20,6 cm

Je t’aime, moi non plus

Propriétaire d’un gîte alpin dans le massif de la Vanoise, un homme d’une cinquantaine d’années se souvient… Vingt ans plus tôt, en 1988-1989, il était élagueur et conseiller municipal aux Plastres près de Bourg-Saint-Maurice. Il vivait alors dans une grande maison avec la femme de sa vie, la belle Lily son amie d’enfance, et leurs deux enfants, Thibaud et Thierry. Le troisième bébé est en route, ce sera Paul. Lily veut passer le concours d’aide-soignante pour quitter la montagne, prison naturelle qu’elle n’a pas choisie puisqu'elle a grandi tout près.

Elle veut donner un sens à sa vie même si cette orientation passe par la séparation. Elle a une sérieuse tendance à la bipolarité, dépendant du Nembutal depuis l’année du bac ; une véritable addiction pour ce puissant barbiturique. Après un accident dans un virage, la mère et les enfants sont blessés légèrement. Lily devient dépressive malgré les médicaments, elle semble se détacher de tout son univers, elle se referme sur elle-même, toujours fragile. Elle se remet en question. «La dépression n’est pas la mort de l’âme ni son enfouissement. Bien du plaisir demeure chez qui sait lire entre les lignes. Je parle de mon statut d’interlocuteur, de témoin privilégié des tourments de Lily» ? Elle annonce à son mari, qu’une fois le concours réussi, elle partira avec les enfants, hébergée par une amie de classe, près de Lyon.

Le narrateur voit s’éteindre son amour, soutenu dans sa peine par son patron qui lui aussi a de graves problèmes de famille. La violence de Lily est souterraine, intérieure ; elle s’éloigne inexorablement malgré tous les efforts du père, et son couple vit une lente désintégration, émaillée d’absences. «Souvent les gens me parlent, mais moi je suis ailleurs (…) Je n’y peux rien, c’est comme une vie parallèle qui me berce pendant que les gens me causent. (…) Je suis installé dans l’abîme».

C’est la fin de l’aventure à deux ; pourtant il aime toujours Lily, pour elle il était prêt à tout. Ce premier roman, d’une grande profondeur, se déroule avec la lenteur et la blancheur des montagnes enneigées, le même climat glacial. Pour le narrateur, ce climat montagnard est le terreau de son existence, il est dans son élément naturel ; c’est ce qui lui donne son équilibre et sa stabilité, il a besoin de cette rudesse, ce qui n’est pas le cas de Lily.

Il nous fait le récit des deux dernières années du couple. Il n’oublie aucun des événements marquants de cette époque troublée, ni l’écho qu’ils ont provoqué dans son coeur. Il semble résigné malgré tout. Il n’a aucun propos malveillant envers Lily, aucun grief ni reproche. Il semble qu’il ait fait le deuil de cette histoire. Où trouve-t-il le calme et la sérénité devant l’adversité et la décision irrévocable de Lily ? Comment peut-il aller en paix ?...

Un très beau premier roman, portrait poignant d'une famille à la dérive ; le récit vingt ans plus tard du drame auquel le narrateur a fait face. L’écriture est fluide mais dense, toute en profondeur et lenteur.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 20/02/2017 )
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