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Littératureet Romans & Nouvelles  

Quand Dieu apprenait le dessin
de Patrick Rambaud
Grasset 2018 /  19 €- 124.45  ffr. / 288 pages
ISBN : 978-2-246-81486-3
FORMAT : 13,0 cm × 20,5 cm

Venise avant Venise…

Un formidable roman de Patrick Rambaud, qui renoue avec la veine des romans historiques. Il est allé chercher son sujet loin dans le temps, au début du IXe siècle, en 828, à Venise, plus exactement entre Venise et Alexandrie. Quand Dieu apprenait le dessin, un beau titre énigmatique dont l’explication est donnée à la première phrase : «Quand Dieu apprenait le dessin, nommait la sixième nouvelle de la sixième journée du Décaméron. (…)». Lors d’une dispute entre jeunes florentins pour savoir quelle était la plus vieille famille de la ville, l’un des interlocuteurs propose les Baronci, au motif qu’ils sont tous plus laids les uns que les autres : «Je le répète comme une évidence : Dieu a fait les Baronci quand il apprenait à peindre. Ils sont donc plus anciens que les autres».

Dans ce roman des origines, Venise n’est pas encore Venise, mais s’organise autour de quelques îlots marécageux, peuplés d’habitants tenaces. Une ébauche, une esquisse de ce qui deviendra la puissante Sérénissime. Quelques éléments : un doge sans grand scrupule, menacé, un pouvoir instable qui tente de s’affirmer entre papauté renaissante et Empire. Patrick Rambaud campe des personnages hauts en couleurs : le moine Thodoald, d’une intelligence rusée, bon vivant, sans illusion sur la nature humaine, le vénitien Rustico, marchand, époux de la belle Kassia, grecque de Constantinople.

Deux parties : un voyage de Rustico chez les barbares du Nord, à la cour impériale où il triomphe de mille embûches grâce à Thodoald, et qui le voit revenir chez lui convaincu de la supériorité des Vénitiens, et en affaires, et sur le plan culturel. Un savoureux épisode de reliques permet à Patrick Rambaud d’annoncer en mineur ce qui fait le thème central du roman : le vol par Rustico et ses associés des reliques de saint Marc, ramenées à Venise, et fondatrices de la puissance de la ville.

Patrick Rambaud joue avec maestria des ambiances, des froideurs d’un Nord inculte aux couleurs chamarrées et chaudes de l’Orient, des superstitions et des croyances des uns et des autres. Très bien écrit, ce roman savoureux se dévore d’une traite avec gourmandise, sourire aux lèvres.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 24/01/2018 )
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