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Littératureet Romans & Nouvelles  

Un long dimanche de fiançailles
de Sébastien Japrisot
Denoël 2004 /  14 €- 91.7  ffr. / 366 pages
ISBN : 2207256499
FORMAT : 15x23 cm

Voir aussi :
Sébastien Japrisot, Un long dimanche de fiançailles (texte intégral + dossier), Gallimard (Folio), septembre 2004, 387 p., 6.60 €, 11x18 cm, ISBN : 207031619X.


Fantômes en no man's land

Dans la lignée du Feu d’Henri Barbusse ou des Croix de bois de Roland Dorgelès, Sébastien Japrisot, de loin le cadet de ces premiers auteurs/acteurs de la Grande Guerre, livra en 1991 Un long dimanche de fiançailles (Denoël), roman épique à tous les sens du terme, dans lequel Mathilde, jeune femme handicapée, se lance dans l’enquête impossible : retrouver Manech, l’amant parti au front comme tant d’autres, mutin exécuté non loin de la tranchée Bingo Crépuscule… Le retrouver s’il vit encore, ou déterminer les conditions de son exécution… La sortie du film de Jean-Pierre Jeunet remet sur le devant de la scène ce roman dense, légitimement honoré du prix Interallié, et que l'auteur lui-même, de son vivant, destinait, comme pour ses précédents ouvrages, à une adaptation cinématographique.

«Il était une fois cinq soldats français qui faisaient la guerre, parce que les choses sont ainsi.» Le récit débute sur cette phrase absurde qui résumerait l’Histoire, point de départ de la recherche de Mathilde auprès des camarades de guerre ou de leurs proches. La quête est âpre, voire désespérée, n’était l’ardeur amoureuse de l’héroïne. Parce que la guerre n'est belle que dans le reflet des larmes d'une femme, Japrisot n'a pas voulu faire un roman guerrier mais une histoire d'amour prise dans l'étau du premier conflit mondial. Ces thèmes grondent d'un écho sonore dans les coeurs contemporains, véritables enjeux de mémoires et reflets identitaires, et expliquent sans doute aussi le succès du roman et, aujourd'hui, du film.

Sébastien Japrisot construit son récit sur un vertige, celui de l'amour, dirait la chanson, celui de la mort, répond l'histoire, celui romanesque enfin d'une histoire ample, aux temporalités kaléidoscopiques. Il ne faut pas s'y perdre, et rester fermement rivé à la course des mots, ne cueillir dans cet embroglio narratif que le sentiment de perte ressenti par l'amoureuse endeuillée, empathie suggérée sinon imposée par un homme orfèvre des lettres et conteur d'excellence. Car c'est une endurance qui fait du bien.

Le roman ressort donc chez Denoël avec pour couverture l'affiche du film de Jeunet. Signalons que Gallimard l'édite également dans sa collection Folio, avec un appareil critique permettant de prolonger le plaisir littéraire par un peu d'intertextualité (Les Champs d'honneur de Jean Rouaud, ou L'Acacia de Claude Simon) et de mise en contexte historique.

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 27/10/2004 )
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