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Littératureet Romans & Nouvelles  

Jalousies
de Jean-Michel Delacomptée
Calmann-Lévy 2004 /  15 €- 98.25  ffr. / 254 pages
ISBN : 2702135250
FORMAT : 11 x 21 cm

Une introspection comiquement vaine

Sur la couverture légèrement rosée (et non pas verte comme on pourrait s’y attendre), un dessin de Charles Lebrun où le peintre a voulu représenter la jalousie : on voit le visage d’un homme de profil et de face, ses sourcils froncés lui dessinant des rides soucieuses sur le front, la bouche maussade, les narines élargies par la colère, le regard tourné à gauche ou à droite, comme pour découvrir quelque chose qu’on lui cacherait nécessairement. A sa vue, on en est assuré : la jalousie est un vilain défaut, comme on nous l’a appris étant enfant. A moins qu’on puisse distinguer plusieurs jalousies, comme le titre de ce roman nous y invite, dont certaines seraient condamnables et d’autres peut-être bénéfiques. Nous laisserons le lecteur en juger.

Dans ce « Journal d’un jaloux », un homme, libraire parisien, tente d’appréhender ce sentiment qui ne le laisse pas en paix. Par son propos, l’auteur rivalise avec quelques joyaux de la littérature, d’A la recherche du temps perdu de Proust au Tunnel d’Ernesto Sabato, en passant par La Jalousie d’Alain Robbe-Grillet et L’Ennui d’Alberto Moravia. Mais l’entreprise est moins de restituer, comme l’ont fait ces écrivains, que d’analyser. Analyser par l’introspection, par la comparaison (qu’est-ce qui me rapproche des grands jaloux de l’histoire, des jaloux de rencontre ? Ma différence avec les auteurs de crimes passionnels est-elle de degré ou de nature ?).

Mais, malgré toute son érudition, notre diariste a pour accomplir cette entreprise un obstacle à affronter, et de taille : est-il possible d’analyser avec justesse un mal dont on est soi-même la victime, et qui précisément consiste en un trouble du jugement ? C’est notamment dans la manière dont le personnage s’empêtre dans cette difficulté que réside la saveur du roman. Et l’on s’amuse à en apprendre plus sur la jalousie par les digressions du narrateur sur sa vie quotidienne, ses rapports avec sa femme, sa maîtresse (et si la jalousie était bien plutôt le tourment des infidèles ?) que lorsqu’il déploie tous ses efforts d’analyse.

Jalousies a été sélectionné dans la liste du prix Wepler. Si l’on pourra regretter l’absence d’analyses réellement novatrices ou étonnantes sur les racines de ce sentiment, on se félicitera du choix de ce jury et l’on lira avec une certaine délectation ce portrait égratigné d’un jaloux pas près de cesser de l’être.

Elise Goldberg
( Mis en ligne le 29/12/2004 )
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