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Littératureet Romans & Nouvelles  

Des croix sur les murs
de Christophe Rioux
Flammarion 2006 /  18 €- 117.9  ffr. / 235 pages
ISBN : 2-08-068920-7
FORMAT : 14,0cm x 21,0cm

Mots de guerre

Le roman de Christophe Rioux s’ouvre sur l’angoisse d’un soldat pris en otage dans l’ex-Yougoslavie ; et qui, comme «les taulards font des croix sur les murs, couche des mots sur le papier». Ces mots hachés, textes courts en italique, s’intercalent avec le récit plus posé des événements qui l’ont conduit dans cette pièce obscure, dont il ne sait s’il sortira vivant.

Le héros, jeune soldat volontaire pour la Bosnie, a reçu comme mission de retrouver puis de rencontrer un général serbe, criminel de guerre, afin de négocier sa reddition. La traque le conduit de fausses pistes en terrain miné, de Sarajevo à Mostar, de Naples (où il va rendre des comptes aux Américains) à Srebrenica. Il rencontre différents corps de troupes, gradés et simples soldats, Grecs, Italiens, Américains, démineurs, traductrices et témoins, glissant du lit des médecins militaires à celui des prostituées croates, se perdant dans les méandres de la diplomatie internationale et de la nébuleuse militaire.

Le propos est celui d’un antimilitarisme ironique mais amer, reprenant tous les topoi du genre. Dénonciation séculaire de l’absurdité de la guerre, de son horreur (chapitre choc sur Srebrenica, où l’absence de ponctuation permet de prendre la mesure de l’étouffement face à la barbarie), ridicule déplacé des émulations de passes-poils et des décorums militaires, dépendances diverses et misère sexuelle du soldat. Critiques de la guerre moderne aussi, guerre d’image et de communication, guerre technicienne et déshumanisée. Le style est cynique, souvent caustique et percutant, mais parfois desservi par un usage appuyé des comparaisons faciles. Etonnamment, le livre emprunte aussi quelques-uns des poncifs du récit de guerre, avec sa misogynie rampante et son machisme assumé, sa peinture d’un monde militaire de camaraderie virile, son va et vient entre Eros et Thanatos.

Fort documenté (mais laissant parfois au lecteur l’impression de voir défiler des fiches préparées sur la hiérarchie militaire, les consignes de déminage, les paysages de Bosnie et de Naples, les armes de pointes, le quotidien de l’armée en guerre…), le récit, qui finit par s’enrichir de la psychologie complexe du personnage, fonctionne sur ses effets de réel plus que sur le suspense quant au sort du héros.

Mathilde Larrère
( Mis en ligne le 20/01/2006 )
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