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Littératureet Romans & Nouvelles  

Le Vent de la lune
de Antonio Muñoz Molina
Seuil 2008 /  21.50 €- 140.83  ffr. / 297 pages
ISBN : 978-2-02-091466-6
FORMAT : 15,0cm x 22,0cm

Traduction de Philippe Bataillon.

Rêve éveillé

Les yeux rivés au ciel, l’humanité tout entière attend que Neil Armstrong marque de son empreinte l’étendue désertique. Il n’y a plus de frontières, ni de peurs, des États-Unis au tréfonds de l’Asie, tous accueillent cet événement dans un silence cérémonieux, presque étouffant. Au cœur de l’Andalousie, un jeune adolescent vit intensément ce moment historique porteur d’espoir, reclus dans la moiteur de sa chambre, antre de ses désirs. Ici, il est loin de tout, de l’Espagne franquiste, de sa famille, de son collège religieux et de son lot d’humiliations. Il imagine la fusée bruyante, l’anxiété des astronautes, il est auprès d’eux à chaque instant : «à tout moment, je me transformais sans effort en ce que, dans mes fantaisies, j’avais envie d’être, et j’inventais une fiction qui correspondait à mon identité rêvée». Il n’entend plus les reproches incessants de ses parents, il ne voit plus apparaître le visage de Franco, se matérialisant dans un ailleurs.

Et pourtant, autour de lui, il y a des plaintes sourdes, la pauvreté écrasante, la cruauté, la saleté. Car à Malguina, il n’y a aucun avenir, tous les jours se ressemblent, la terre est toujours plus sèche, on n’attend rien, tout n’est fait que de rituels. Quel destin peut-il espérer, lui, le fils de paysan ? Nier la réalité pour survivre, croire qu’il est libre, libre d’aller au-delà des frontières, au-delà de sa vie.

Antonio Munoz Molina revient une nouvelle fois sur les terres de son enfance, si présentes dans son œuvre. Mais cette fois-ci, la guerre civile n’a qu’un lointain écho, elle est plus insidieuse, elle s’inscrit dans un éternel renoncement, une fin de lutte. Des arrestations sommaires, chacun a son histoire muette. La crainte est palpable, on se méfie d’autrui et de ce monde en pleine mutation. Sans jamais tomber dans la nostalgie, la prose poétique d’Antonio Munoz Molina émeut ses lecteurs, par sa langue exigeante et lyrique. Une grande leçon de style !

Catherine Martinez-Scherrer
( Mis en ligne le 28/05/2008 )
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