L'actualité du livre
Littératureet Romans & Nouvelles  

J.A.B.
de Pierre Brunet
Calmann-Lévy 2008 /  15 €- 98.25  ffr. / 240 pages
ISBN : 9782702139233

Date de parution : 27/08/2008.

Avec la violence et l’amour chevillés au corps

Quand la boxe et la sensualité la plus crue se fondent ensemble, on peut redouter que dans la sueur se glisse un parfum musqué de vulgarité, de scandale calculé et, pour tout dire, de glamour déplacé chez des combattants. Bien entendu, un film comme Million dollar baby – qu'il est difficile de ne pas évoquer à la lecture de J.A.B. -, a montré de façon magistrale qu’il était possible de parler de sport de combat au féminin sans entretenir de confusion avec des spectacles comme le «catfight» et les émotions très ambiguës qu'il suscite chez le public masculin.

Pierre Brunet choisit pourtant, lui, de jouer avec ce risque, en distillant tout au long du livre un érotisme qui en devient presque omniprésent ; presque, parce qu'il débarrasse tout de même Julia Ana Barrera de ce corps fait pour le plaisir lorsqu'elle franchit les cordes. Pas avant. Les déclarations de presse elles-mêmes sont calculées de manière à utiliser, dans une stratégie publicitaire, la capacité à séduire de celle que le monde de la boxe connaît désormais sous le nom de Jab. Car s'appeler comme un direct du gauche ne signifie pas que l'on soit uniquement une boxeuse.

Julia est avant tout une petite fille qui a été «oubliée» par sa famille espagnole au Maroc alors qu'elle n'avait que trois ans, et que la vie a durement malmenée par la suite. Sevrée de la tendresse de ses parents, traînant avec elle, en guise de présence, l'urne funéraire de la Marocaine boiteuse qui s'est toujours occupée d'elle, elle a de sérieuses raisons d'en vouloir au monde entier et de souhaiter attirer l'attention. Alors, elle essaie de se consumer tout entière dans l'incendie qui la dévore de l'intérieur. C'est parce qu’elle met dans tout ce qu’elle accomplit la même rage désespérée que l'auteur prend la liberté de la présenter dans l'intégralité de sa splendeur dans le cadre de ses autres activités – danse, sexe, etc. En réalité, c’est la violence qu’elle couve au creux d’elle qui sert de sujet au roman, la quemadura (brûlure, en espagnol) et non pas sa carrière de championne : la boxe n’est qu’une illustration de ce désir de revanche et plaisir.

La qualité du livre souffre et bénéficie à la fois de cet angle de vue. Le personnage de Julia est suffisamment étrange pour que l'on n'ait pas envie de lâcher ses pas, de renoncer à connaître le parcours hors-norme – celui de sa vie – qu'elle nous propose en tant que narratrice. Cependant, il est impossible de fermer les yeux sur le manque de finesse de certains procédés utilisés par P. Brunet pour ce deuxième roman. Jouant trop de l'animalité de son héroïne, il s'égare parfois dans des descriptions un peu caricaturales, projetant peut-être certains fantasmes masculins aux dépens de la crédibilité du personnage.

Pourtant, doté d'un style agréable, maniant les mots avec dextérité, il aurait sans doute pu se passer de miser sur des instincts humains assez peu reluisants. Au final, on referme le livre avec la sensation d'avoir eu affaire à un bon roman, intéressant, mais dans lequel l'auteur n'a pu s'empêcher d'abuser de certaines facilités.

Aurore Lesage
( Mis en ligne le 27/08/2008 )
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