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Littératureet Romans & Nouvelles  

Mère et fille, un roman
de Eliette Abécassis
Albin Michel 2008 /  15,90 €- 104.15  ffr. / 168 pages
ISBN : 978-2-226-18668-3
FORMAT : 13cm x 20cm

Date de parution : 20/08/2008.

Exercice de style

Eliette Abécassis en total look Rykiel. Sans jamais donner le nom de la papesse germanopratine – on se demande d’ailleurs pourquoi tant les initiales S.R. suintent à chaque ligne –, l’auteur, pouliche à succès de l’écurie Albin Michel, livre, en guise de réflexion sur le rapport mère-fille, un essai publicitaire sur la grande Sonia : «Elle, styliste au milieu des libraires, écrivain au milieu des stylistes, écrit l’histoire des femmes et dessine les contours de son époque à Saint-Germain-des-Près» (pp.10-11).

Une reine en fin de règne, que les soucis de succession gênent quelque peu : pas facile d’abandonner son trône, fût-ce à sa fille, Nathalie. «La mère et la fille se regardent, s’affrontent, s’aimant passionnément tout en se haïssant en cet instant où il faut céder la place, pour l’une, et accepter de partir, pour l’autre, et vivre» (p.56). A partir de là, l’auteur brode à son tour, coud, tisse, assemble comme un patchwork pour dessiner une vie, celle d’une mère, avant tout, qui, depuis toujours, voulait régenter une maison de 10 enfants (elle n’en aura que deux), s’affirmer dans le rôle de la mère juive, alors que l’art l’a prise tout entière à elle : Sonia la créatrice, l’égérie, l’artiste, révolutionnant de sa fougue slave le monde de la mode, participant par ses pieds de nez aux conventions à l’émancipation de la Femme et à la mise à jour de la Parisienne. Etc.

Dans ce portrait parfois répétitif, abusant d’anaphores, d’un rythme à la rondeur d’élégie (est-ce un hommage ou une épitaphe ?), Eliette Abécassis joue au final les hagiographes avec tout le savoir faire de sa plume normalienne (il y a des tics dans cette écriture). C’est beau mais c’est aussi expédié et un peu facile, comme une dissertation appliquée sur un sujet donné – choisi ? commandé ? -, un exercice… de style.

Cette relation telle qu’elle est décrite semble trop excessive pour être vraie, si fusionnelle, emprisonnante qu’on ne peut y voir un témoignage de la relation mère-fille en général, où alors, dans quelques milieux. Il s’agit avant tout de Sonia et Nathalie R. telles que les fantasme une romancière, calquant sans doute aussi sur ces deux-là son propre rapport à la mère. D’accord.

Le rendu est honnête mais pas extraordinaire. Il y avait sans doute plus à dire sur tout cela, deux femmes, une époque, un milieu, des enjeux, des barrières, et des paradoxes. Car cette dame de mode au milieu des libraires n’a-t-elle pas posé le ver dans la pomme, faisant du Saint-Germain de Sartre et Vian, ce qu’il est aujourd’hui : un Disneyland des griffes de haute couture où ne survivent que quelques librairies résistantes et deux cafés devenus pièges à touristes ?…

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 25/08/2008 )
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