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Littératureet Romans & Nouvelles  

Héros, personnages et magiciens
de Vincent Ravalec
Fayard 2008 /  18 €- 117.9  ffr. / 308 pages
ISBN : 978-2-213-63466-1
FORMAT : 13,5cm x 21,5cm

Date de parution : 20/08/2008.

Et si c'était vrai ?...

En 1992, Vincent Ravalec publiait son premier roman, Un pur moment de rock'n roll, suivi de près par Cantique de la racaille, véritable succès de librairie qui le fit connaître du grand public et lançait sa carrière d'écrivain prolixe : quinze ans après, et fort d'une trentaine de livres édités, il fait partie de la rentrée 2008 avec son nouveau roman, Héros, personnages et magiciens, dans lequel il semble tenter de tirer le bilan de son parcours littéraire.

Dans ses romans, qui ont connu des succès divers, certains reconnus au rang de best-sellers quand d'autres passèrent quasiment inaperçus, Ravalec s'est amusé à dépeindre tantôt le milieu des petits caïds de banlieue, tantôt celui de parisiens mondains adeptes autant des salons littéraires que des clubs échangistes, en passant par des récits plus ésotériques où se côtoyaient philosophes mystiques et apprentis sorciers. Aujourd'hui, il se questionne : tout cela constitue-t-il une Oeuvre, et surtout une Oeuvre cohérente ? Quelle pierre a-t-il apportée, aussi modeste soit-elle, au colossal édifice littéraire du «Grand Roman Collectif» (p.27), à une époque où le livre papier, tel que nous le connaissons, est amené, pense-t-il, à disparaître, au profit d'autres supports, comme par exemple la lecture en ligne sur Internet ?

C'est dans le but de répondre à ces interrogations profondes, mais sans se départir de son sens de l'humour et surtout sans tomber dans le piège de se prendre au sérieux, qu'il imagine d'écrire un roman où se rencontreraient tous les personnages qu'il a créés, assemblée hétéroclite de petits voyous, toxicos paumés, goguenards partouzeurs parisiens et sorciers philosophes.

À cette fin, il imagine qu'un matin, alors qu'il vient d'achever la lecture de Guerre et paix de Tolstoï, il reçoit la visite de petits bonshommes venus du futur, lui proposant, par le biais d'une machine non moins futuriste, «l'Hologrammisateur», de faire surgir ses personnages dans la «vraie vie» : il pourra étudier avec eux ce qu'ils sont devenus et ce qu'il en est de leur vie hors du roman. Le narrateur, dans un premier temps interloqué, est vite alléché par ce vaste programme et se retire dans sa maison de campagne landaise où il pense pouvoir interroger discrètement ses «créatures», s'enquérir de leur santé psychologique et tenter, pourquoi pas, de leur apporter aide ou assistance au cas où il s'avèrerait qu'ils aient mal tourné à l'intérieur de ce monde parallèle qu'est celui de la littérature.

Évidemment, l'expérience va rapidement dégénérer, ces personnages étant ce qu'il en a fait, à savoir des êtres en général fort peu recommandables, et qui, inoffensifs tant qu'ils évoluent au sein des pages d'un livre, se révèlent bien sûr être de véritables plaies quand on les lâche dans le monde réel. Métamorphosés en êtres de chair et de sang, ils ne se contentent pas de se bagarrer dans sa maison landaise, de se shooter dans ses toilettes, ou de copuler dans sa salle de bain ; ils s'évadent dans le village, créant la stupéfaction sur leur passage, puis s'évanouissent dans la nature, laissant le narrateur horrifié à l'idée que se meuvent en liberté ces centaines de demi-monstres sortis de son imagination, et dont il se sent responsable.

Accompagné d'une romancière locale et d'une de ses fans, il se lance dans une course poursuite qui va les amener à rencontrer, entre autres, Byron et Mary Shelley sur les bords du Lac Léman, James Joyce à Trieste, et même les personnages de Guerre et Paix en villégiature à Venise et peu pressés de regagner St Petersbourg !...

Si Ravalec s'est sans aucun doute énormément amusé en narrant les nouvelles aventures de ses personnages, sinon en quête d'auteur, du moins visiblement en quête d'une réelle intrigue, il est à craindre que ses lecteurs ne s'y perdent. À vouloir tout mélanger, il prend le risque de décevoir aussi bien ceux qui avaient apprécié les petits malfrats de Cantique de la racaille que ceux peut-être moins nombreux mais tout aussi friands de ses récits plus mystiques comme Nostalgie de la magie noire.

Loin de constituer le bilan qu'il se proposait de fournir, ce roman s'apparente plus à une pause dans son itinéraire littéraire, comme s'il était en attente de trouver d'autres sources d'inspiration et de nouveaux terrains d'écriture à explorer.

Natacha Milkoff
( Mis en ligne le 19/09/2008 )
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