L'actualité du livre
Littératureet Littérature Américaine  

90 jours
de Bill Clegg
Editions Jacqueline Chambon 2012 /  19,80 €- 129.69  ffr. / 185 pages
ISBN : 978-2-330-01265-6
FORMAT : 12,5 cm × 19,5 cm

Laure Manceau (Traducteur)

Ne pas cracker – Ne pas cracker

Avec Portrait d’un fumeur de crack en jeune homme, chez le même éditeur, Bill Clegg, agent littéraire new-yorkais, nous avait plongés dans l’univers tourmenté de la «défonce», dans lequel il était tombé, perdant au passage son amant et son métier. L’histoire de Bill Cleggg apparait également dans le film Keep the lights on, d’Ira Sachs, qui raconte sa longue liaison tumultueuse avec notre auteur. Dans son récit autobiographique 90 jours, il nous relate sa lente tentative de remontée vers une vie normale, débarrassée du crack qui lui a bousillé la première partie de sa vie d’adulte.

90 jours, c’est le délai raisonnable de sevrage sans drogue qu’on accorde aux toxicomanes pour pouvoir penser qu’ils sont sortis d’affaire ; cette période de trois mois devient pour celui qui sort d’une cure de sevrage une véritable obsession, à tel point que les nombreuses réunions d’anciens drogués auxquelles participe Bill Clegg commencent toutes, invariablement, par l’énoncé des périodes de sevrage des différents participants : leurs premiers mots sont «X, 75 jours», «Y, 3 jours», etc. Pour celui ou celle qui s’approche des fatidiques 90 jours, c’est une salve d’applaudissements qui salue son intervention…

Bill Clegg nous fait littéralement plonger dans l’univers des drogués, des rechutes, des rencontres douteuses qui l’incitent à replonger, des «tuteurs» qui tentent souvent vainement d’aider leurs compagnons d’infortune, des brefs moments d’espoir quand l’attirance irrésistible du produit a été vaincue, dérisoire sursis sur ce parcours semé de morts… Dans un style particulièrement efficace, fait de phrases courtes et incisives, il ne nous épargne rien de la souffrance et de la déchéance de ces hommes et de ces femmes, compagnons d’infortune et pourtant si solitaires dans leurs errances. «Je suis devant la porte. Comme c’est arrivé des dizaines et des dizaines de fois. L’interphone est le même, l’espoir aussi : pourvu que Mark soit là, pourvu qu’il y ait de la came…» (p.53).

Le livre se lit presque comme un thriller, avec un suspense souvent insoutenable, et au bout des pages l’espoir de voir Bill s’en sortir… L’honnêteté de son écriture, sans aucune complaisance, nous éloigne du mépris que l’on pourrait avoir pour ce genre de situation, et nous fait souvent nous identifier à lui, en se disant que ce pourrait être nous, que ce pourrait être un de nos proches…

Michel Pierre
( Mis en ligne le 09/01/2013 )
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