L'actualité du livre
Littératureet Fantastique & Science-fiction  

L'Âge des lumières
de Ian-R. MacLeod
Denoël - Lunes d'encre 2007 /  28 €- 183.4  ffr. / 606 pages
ISBN : 978-2-207-25570-4
FORMAT : 14,0cm x 20,5cm

Traduction de Jean-Pierre Pugi.

Fantastique révolution industrielle

Le décor : l’Angleterre, dans un long XIXe siècle. La révolution industrielle est une réalité, à la fois économique – c’est le temps de la bourgoisie triomphante et du capitalisme sauvage – et sociale – le temps des slums, d’un monde ouvrier qui réalise peu à peu sa condition, se construit une culture propre, marginale et se dote enfin d’outils de lutte… L’Angleterre de Robert Borrows, un petit garçon issu d’une famille ouvrière difficile, n’a rien de riant… Mais en plus, si sa maman se change peu à peu en troll, cela devient compliqué… Avec Ian MacLeod, le lecteur se promène donc dans un XIXe siècle assez classique, celui de l’ère industrielle… Mais comme pour le premier ouvrage de cet auteur, ce classicisme est trompeur, un miroir aux alouettes dont le lecteur perce, petit à petit, le piège. Maître de l’uchronie et du steampunk, Ian MacLeod a introduit dans cet enfer de charbon et d’acier une touche de magie.

Car au XVIIe siècle de cette Angleterre-là, un homme est parvenu à extraire du sol ce qu’il contenait de magie, des filaments éthérés aux propriétés révolutionnaires : l’éther faisait son entrée dans une société qui serait bientôt celle de l’industrie et de la consommation, et cette substance, convenablement maîtrisée par des ingénieurs-magiciens, les guildés, a transformé l’Histoire… et les individus. Car l’éther peut faire muter les hommes en créatures magiques (nains, elfes, trolls…) de même qu’il a poussé les peuples magiques – appelés anamorphes : on est dans une Angleterre impériale qui ne s’embarrasse pas de racisme – à sortir de leurs cachettes au risque de la capture ou de la marginalité. C’est dans cette Angleterre, usant de la magie comme du charbon, que vit Robert Borrows, et c’est contre les excès d’une bourgeoisie industrialo-magique qu’il va peu à peu se révolter. Car les classes se sont formées : guildés et non-guildés (les bâtés) se côtoient en s’ignorant… il ne manque qu’un Marx pour théoriser l’affaire…

Ce livre tient autant du roman que du récit historique… Ian Mac Leod connaît son travail et nous entrouvre progressivement un monde où la magie est à la fois au cœur de toutes les ambitions (l’éther et son commerce) et dissimulée aux regards (les anamorphes). On en découvre peu à peu les contours, les modifications subtiles par rapport à notre passé (au passage : les Français se sont vus pousser une queue…), en suivant Robert Borrows dans son errance, d’un petit village extracteur d’éther du nord du pays, jusqu’à Londres, ses suburbs et ses hiérarchies sociales compliquées. Un peu dans le genre de Christopher Priest (avec La Séparation), c’est un quotidien subtilement, insidieusement modifié et le lecteur prend peu à peu conscience de l’ampleur du phénomène. Un excellent roman uchronique et steampunk par conséquent, écrit d’une plume fine, qui sait décrire sans s’attarder. Peu d’action il est vrai dans ce livre qui s’apparenterait plus à un reportage étonnant sur une époque connue et inattendue. En tous les cas, une lecture envoûtante pour l’amateur de fantastique.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 07/05/2007 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)