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Littératureet Policier & suspense  

Un sale hiver
de Sam Millar
Seuil - Points policier 2017 /  7,40 €- 48.47  ffr. / 312 pages
ISBN : 978-2-7578-6607-8
FORMAT : 10,8 cm × 17,8 cm

Première publication française en avril 2016 (Seuil - Policiers)

Patrick Raynal (Traducteur)


Dark City

- «L'aube remplaçait la nuit ce matin-là quand Karl Kane, nu sous un peignoir rose trop petit, découvrit une main, nichée entre le lait et le journal sur le seuil enneigé de son appartement-bureau de Hill Street à Belfast
-Merde... murmura-t-il quand il se rendit compte de ce que c'était»
.

Le décor est planté, Belfast et son hiver venté et glacial, ses crimes, ses victimes innocentes, une police minable qui se prend au sérieux, et Karl Kane, détective privé qui galère dans sa ville natale, une ville qu'il ne quitterait pour rien au monde. Le tout est augmenté d'une bonne dose d'humour noir... so Irish !

Grâce à des caméras de surveillance, Kane sait rapidement que l'acte ne lui est pas destiné. Il s'agit de la seconde main coupée découverte ces derniers temps. Est-ce le méfait d'un serial killer ou un crime rituel satanique ou religieux ? Un riche homme d'affaires offre 200000 livres à celui qui découvrira la vérité sur cette affaire, une somme alléchante pour Karl qui peut compter sur son ami d'enfance, Tom Hicks, médecin légiste, pour quelques indices supplémentaires.

Après Les Chiens de Belfast et Le Cannibale de Crumlin Road, voici la troisième enquête de Karl Kane, qui fait souvent référence aux précédents opus. Ces derniers, à lire aussi, contiennent des faits qui ne sont ici qu'effleurés et permettent de mieux connaître Belfast et les principaux personnages.

Le taciturne détective privé, doublé d'un romancier sans succès, parcourt encore les rues régulièrement ensanglantées de l'Irlande du Nord. Il est capable de tout, c'est même le slogan écrit sur ses cartes de visites qu'il laisse partout... même dans les cabines téléphoniques : «Kane's able» qui se traduit aussi par ''Caïn et Abel'' !

Avec sa compagne Naomi, qui n'a pas froid aux yeux, il se charge d'une fille à la dérive, veille sur sa propre fille et son père atteint de démence sénile, ce qui le traumatise souvent dans ses rêves. Il peut en même temps enquêter sur des mains tatouées de piqûres et traîner dans un abattoir maudit (la scène la plus cruelle et gore du récit). Autant d'investigations sinueuses et riches en péripéties énigmatiques avec des passages qui terroriseront le lecteur. Si le scénario est très noir, l'humour ironique qui parsème le texte permet de respirer un peu.

Sam Millar glisse quelques réflexions sur l'Ulster d'aujourd'hui, les rancoeurs tenaces, les sectarismes toujours présents, une police tordue et quelques remarques bien senties. Le roman fait ressortir la perte d'illusions, une autopsie de la société et des personnages forts.

On retrouve une écriture visuelle amusante quoique capable de nous emmener dans les lieux les plus cauchemardesques. L'auteur étonne par sa faculté à écrire des dialogues humoristiques, cyniques et sarcastiques. Chaque titre de chapitre est un titre de film noir en soi, accompagné de quelques mots... souvent de Raymond Chandler.

A lire absolument si l'on aime à la fois avoir peur et rire, un cocktail idéal pour ne pas se prendre au sérieux. «Les murs entiers d'odeurs putrides tremblaient étrangement au ralenti sous l'effet des rats prêts à ronger tout ce qui se présentait».

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 19/05/2017 )
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