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Littératureet   

A l'abri du déclin du monde
de François Cusset
P.O.L 2012 /  19 €- 124.45  ffr. / 352 pages
ISBN : 978-2-8180-1670-1
FORMAT : 14,0 cm × 20,7 cm

Commune 2012

La plume virevolte, experte, aiguisée, tourbillonne, idéale pour dépeindre dans une première partie, sur trois, le théâtre néronien d'un Paris en pleine révolte, sorte de Commune 2012 avec barricades, incendies, foule et répression. Les raisons de la révolution se devinent au gré d'une topographie parisienne parfaitement égrainée (les non-parisiens - il en existe... - risquent fort de se perdre...). La raisons ? Nos ras-le-bols les plus immédiats dont l'addition permit d'un coup le débordement que l'auteur nous décrit ici. Une augmentation de trop des prix et des taxes ; une bavure de trop dans les cités HLM ; une corruption de trop dans les hautes sphères d'un pouvoir de toute façon dépassé ; une provocation de trop lancée par l'hydre capitaliste global. Paris s'enflamme. Ce n'est pas la première fois. François Cusset, mettant sa plume dans le "je" d'un groupe anonyme, met aussi ses pas dans ceux de l'insurgé Vallès.

Union sacrée dans la révolte (partie I), atomisée dans les parcours insipides de quidams, deux hommes, deux femmes (partie II), ressoudée à l'occasion d'un séminaire intello-languedocien dans une abbaye narbonnaise (Fontfroide ou Lagrasse ? Lagrasse sans doute, réputée pour ses résidences d'auteurs et ses débats avec chants de cigales) - Partie III.

Et le roman de François Cusset ressemble au cénacle décrit : pompeux, intello et vain. C'est au lecteur de coudre ensemble les vies lasses de ces cinq individus (le cinquième étant le narrateur principal), ces retrouvailles dans un monastère - où l'on refait le monde, on boit beaucoup, on baise aussi, et l'on constate surtout que l'on a bien vieilli et que ça agace -, et le Paris qui s'embrase. Mais ce premier tiers du roman est-il réel dans la fiction ou bien fiction soi-même ? N'est-ce pas finalement le délire, le grand fantasme, de notre narrateur imbibé et frustré ?... Sixième intervenant : l'époque elle-même nous parle et clôt le roman, forte de sentences définitives et édifiantes.

Tout cela est bien lourd hélas, très précisément écrit, mais bien lourd. On ne retient au final que les portraits peints dans l'intermède, les plus vrais, les plus frais, les plus touchants. Celui notamment d'un écrivain à la plume sectionnée par le haschich, l'alcool, les errances nocturnes et adultérines : il ''inécrit'', verbe essentiel tant l'''inécriture'', finalement, dépasse et de loin tout ce que l'écriture peut produire. Le roman parle sans doute de cela, de l'''inécriture'' et de l'insaisissabilité d'un mystère adolescent effleuré avec l'âge, disparu avec lui.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 29/10/2012 )
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