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Le bol du pélerin (Morandi)
de Philippe Jaccottet
Editions La Dogana 2001 /  29,73 €- 194.73  ffr. / 96 pages
ISBN : 2-940055-33-5
FORMAT : 24,5 x 17,3

Morandi analysé par Jaccottet

Philippe Jaccottet (né en 1925) est une figure incontournable de la poésie
en Suisse. Son ouvrage, qui comporte une quinzaine de très belles
reproductions, est un long poème qui rend hommage à Giogio Morandi
(1890-1964). L’idée vient de l’étonnement de l'auteur devant l’émotion
que lui procurent les œuvres du peintre. Sur ce thème de la rencontre
entre une toile, un dessin et son contemplateur, Jaccottet propose un
parcours très personnel pour tenter «d’approcher l’énigme». Sous
l’influence évidente de Paul Cézanne, Morandi a presque invariablement
peint des natures mortes. Jaccottet s’interroge sur ce qui les rend
exceptionnelles. «Chez ce peintre-ci : ces trois ou quatre bouteilles,
vases, boîtes et bols sempiternels, quelle apparente insignifiance,
quelle dérision...»
écrit-il, «Comment oser prétendre que cela vous
parle un langage plus convaincant que la plupart des œuvres
d’aujourd’hui ?»
.
Pour l’auteur, un véritable mystère émane du peintre. La vie monacale de
Morandi le rapproche de son contemporain Alberto Giacometti
(1901-1966). Autre analogie, leur force de concentration dans leur travail.
« À croire que, chez l’un comme chez l’autre, tout, absolument tout : vie
et travail, devait œuvrer contre la dissipation»
. Pouvoir qui transparaît
même dans un portrait de Morandi par Herbert List, reproduit dans ces
pages. L’artiste est penché sur des éléments qu’il va mettre sur une toile,
une formidable attention brille dans son regard. Par ailleurs, chez
Giacometti comme chez Morandi, Jaccottet remarque une exclusivité du
sujet, l’un la forme humaine l’autre les objets. L’écrivain tente ensuite de
trouver des réponses dans les lectures du peintre. Ses auteurs de chevet
étaient Pascal et Leopardi. Deux vies recluses dont Morandi a pu se
sentir proche. Deux œuvres bâties sur un fond noir, selon Philippe
Jaccottet, «la conscience très lucide et très douloureuse, de la misère
de l’homme, de l’impossibilité du bonheur pour lequel pourtant il semble
fait...»
.
Plus loin, le poète observe avec subtilité les paysages du peintre
«rigoureusement sans figures». Ils semblent, comme ses natures
mortes, légèrement recouverts d’un voile de poussière. Jaccottet les
qualifie de paysages «aux lieux dormants». Les bouquets de fleur
lui évoquent des roses des sables. Il revient sur les natures mortes, pour
lesquelles il préfèrerait utiliser l’expression allemande : «vies
silencieuses»
. Le mot «patience» lui vient alors à l’esprit. Celle
«qui signifie avoir vécu, avoir peiné, avoir tenu : avec modestie,
endurance, mais sans révolte...»
. Il remarque aussi qu’au fil des
années le nombre d’objets a diminué. Par exemple, une simple théière
en 1963. «Comme si les premières toiles étaient déjà trop
peuplées...»
. Enfin, les aquarelles l’enthousiasment. Les couleurs
disparaissent et les formes s’évanouissent : «Comme si le peintre
avait très patiemment frayé un passage à la lumière...»
.

Laure Desthieux
( Mis en ligne le 15/02/2002 )
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