Poches
Littérature de Agnès Abécassis
Le Livre de Poche 2012 / 6.60 €- 43.23 ffr. / 288 pages
ISBN : 978-2-253-16221-6
FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en mars 2011 (Calmann-Lévy)
Le bal des quarantenaires
Si la «chick lit» (les romans de filles) s’est gentiment imposée dans un paysage éditorial balkanisé, si l’on décline désormais les histoires de cœur dans tous les genres (vampires, héros romantiques, ados rigolos, célibataires même) comme autant de variations sur le couple improbable, il faut en partie en attribuer le mérite chez nous à Agnès ABK6, qui, efficacement, trace son sillon depuis quelques années en explorant les méandres des love stories urbaines contemporaines.
L’inspiration, Agnès va la chercher dans un quotidien, une inspiration qu’elle travaille au corps : la solitude des uns et des autres, même moderne, même fashion, porte les inconnus vers leurs semblables… On peut en faire des histoires sans relief, ou bien prendre le parti de la fantaisie : c’est le choix d’Agnès, qui – vilaine ! - exploite les situations les plus saugrenues, gênantes, et, avec une saine perversité, les présente au lecteur. Un auteur dramatique pourrait ruiner des histoires d’amours naissantes par un bête quiproquo : Agnès les fait triompher, non sans encombres tout de même… il y a un peu de l’Odyssée dans les aventures de Philéas et d’Adélaïde…
Cette fois donc, ce sont les péripéties d’Adélaïde, qui gère une agence d’acteurs, s’éclate gentiment entre copines… et arrive à 38 ans, un âge incompatible avec la solitude… Et quelque part, ailleurs mais pas bien loin, on croise Philéas, réalisateur, «fils de», géant roux divorcé, pas forcément au top dans sa vie ni dans son moral. «Entre ici, quarantenaire, avec ton cortège de doutes et de désillusions»… Aux portes des 40 ans, il faut savoir sortir d’une quarantaine sentimentale : mission séduction pour les héros, si le destin n’est pas trop taquin.
Et taquin, il l’est… Cette fois, Agnès nous emmène à une initiation au speed dating : par la suite, ô lecteur, vous entamez la croisière, direction la quarantaine, rayonnante et en crise. Passé le gouffre du divorce et l’autre gouffre de la famille monoparentale, on entre dans la tempête des émotions et des plans drague mal assumés. Adélaïde cherche l’âme sœur dans des silhouettes de stars vieillissantes, quand Philéas drague – mal – la première starlette venue… Peuvent-ils seulement se rencontrer ? Oui, si l’on s’en tient à leur milieu professionnel (le cinéma) et un destin qui semble les réunir. Non, si l’on considère que l’univers entier - ses boulangeries, ses cocktails, ses gros lourds – semble s’être ligué contre le bonheur de deux êtres aussi moralement célibataires. La fresque comique vire alors à la tragédie grecque, avec, en toile de fond, le chœur de l’auteur, deus ex-machina, qui distille les indices pour faire constater au public que, depuis Œdipe, on n’échappe jamais à son destin.
Un roman un peu court, mais amusant, bien troussé, et qui, rassurez-vous, se termine bien… Le temps des tragédies grecques est passé…
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 26/04/2012 )
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