L'actualité du livre
Pocheset Littérature  

Les Oliviers du Négus
de Laurent Gaudé
Actes Sud - Babel 2013 /  7 €- 45.85  ffr. / 160 pages
ISBN : 978-2-330-01507-7
FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm

Première publication en mai 2011 (Actes Sud)

''Une foi en la beauté lente du monde''

Il y a quelque chose d'essentiellement viril et ours, de sensible et de mâle dans l'écriture, les intrigues et les personnages de Laurent Gaudé. Ces quatre nouvelles, trop courtes et trop peu nombreuses, le démontrent une fois encore.

Quatre hommes, quatre morts, quatre temps, quatre lieux. Tragédie totale de quatre destinées pilonnées par l'histoire. Le Négus éponyme est un ancien de la conquête éthiopienne, italien rentré vidé de la campagne mussolinienne et vouant depuis une haine féroce aux faiseurs de régimes et de batailles. Il est mort à présent et, venu en son village napolitain pour l'enterrer, le narrateur se le remémore. Belle épitaphe. Mots morts eux aussi de Paolo Borsellino, juge anti-mafia tué dans un attentat à Palerme en 1992, quelques mois après l'assassinat de Giavani Falcone. Le narrateur d'outre-tombe raconte leurs itinéraires et la beauté tragique d'un pays soumis aux mains des parrains. Amertume et tristesse pour une terre sacrifiée.

Autre sacrifice, dans la ronde de l'Histoire, celui de Rome en déclin devant les envahisseurs barbares. Sorti rescapé du massacre de son armée, un centurion devance ceux qui donneront à la cité impériale son coup de grâce. Et un viol, carrément, suivi d'une folie vengeresse, celui de la terre malmenée par les hommes durant le premier conflit mondial : non loin des tranchées, le caporal Brache apprend l'existence d'un monstre, golem terrorisant la campagne plus fortement que ne le font les canons. Non plus nourrie mais gavée de tués et de feu, la terre se retourne contre les hommes...

Quatre tableaux sur fond d'Histoire, de morts, quatre regards sur le déclin et la fin des choses. Avec ce qui fait aussi leurs beautés, beauté de ruines, de souvenirs pérennisant les reflets de ceux partis trop tôt, de civilisations disparues, de paysages éventrés. En cela, tellurique, écologique et misanthrope - oserait-on un parallèle avec la poésie triste et sublime des longs-métrages miyazakiens ?... -, la plume de Gaudé est profondément humaine... et humaniste, imbibée d'une encre lourde, faite de larmes, de glaise, brillante malgré tout, d'un espoir qui, malgré les déceptions qui le désarçonnent, continue de tenir droit. ''Une foi en la beauté lente du monde''.

Thomas Roman
( Mis en ligne le 06/02/2013 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)